The loose world! Ou comment le cinéma de genre américain se mord la queue avec des mâchoires toujours plus grosses. bon, soyons honnêtes, la balade jurassique de Colin Trevorrow n'a rien de véritablement honteux, mais les intentions clairement affichées (peut-être même un peu trop d'ailleurs) sont d'affirmer deux heures durant que rien ne surpassera jamais le film original de 1993. J'ai pu lire beaucoup de critiques qui clamaient haut et fort que "Jurassic world" était à ce jour la suite la plus réussie de Jurassic park, je vais donc comparer la chose avec l'autre suite qui jusque là était considérée comme la meilleure, le seul autre opus réalisé par Spielberg himself, le pourtant mal-aimé "The lost world: jurassic park" (1997). Et très franchement, aussi appliqué que soit le petit Colin, son rejeton est loin de sortir gagnant de cette comparaison. Là où le monde perdu était plombé par une mise en place scénaristiquement pataude et par des notes d'humour grotesques (la scène des barres asymétriques me donne envie de me crever les yeux) Spielberg rattrapait le coup avec ces séquences à suspens tétanisantes dont il a le secret depuis "Jaws" (le requin est d'ailleurs bouffé par un dino dans le film). Car Spielberg, en auteur-réalisateur mariole, n'a pas son pareil pour faire monter la tension à grands coups de suggestions souvent bien senties (les fameuses secousses dans les gobelets d'eau du premier en sont un parfait exemple, ou les arbres d'une forêt qui se plient filmés en plongée dans "Le monde perdu") tout ceci amenaient subtilement la menace sans jamais la montrer avant le moment opportun, artifices qui aboutissaient souvent à des moments de cinéma franchement excitants, et malgré ses défauts, la séquence de l'attaque de la caravane, tout comme celle du T-rex sous la tente, font du monde perdu un film du samedi soir qui se revoit avec un vrai plaisir aujourd'hui. Le cas Jurassic world est une sorte d'anti-thèse du "monde perdu". Un retour en arrière notoire malgré le toujours plus de technologie mis en avant. Tout d'abord par le choix du format de l'image (les films en 2.00 sont tellement rares de nos jours qu'il n'y en a plus) ainsi que celui des costumes (on jurerait que Chris Pratt est passé aux essayages juste après Harrison Ford époque Indy) là où une vraie bonne idée consisterait en une simple réappropriation de concept. Puisque le premier est insurpassable, pourquoi persister à ne pas s'en éloigner? Pourquoi ne pas proposer une nouvelle façon de filmer les dinos, un changement d'identité visuelle aurait pu donner de bonnes pistes à creuser. Mais Trevorrow se contente de marcher mollement dans les traces de Steven. Résultat: sa seule audace formelle est de filmer une patte de passereau comme une patte de raptor, et ses scènes d'action sont totalement dénuées de tension, et donc d'intérêt. La chose est d'autant plus frustrante que dans le genre suggestion, la scène où Irrfan Kahn (seul à tirer un peu son épingle du jeu ici) rend une première visite à l'indominus-rex dans son enclos, on sent une petite montée d'adrénaline en se disant "ça y est, celui-là va en mettre plein la vue". Hé ben non. Trevorrow et ses co-scénaristes sont tombé dans le panneau de ce qu'il dénoncent eux-même dans leur script, à trop vouloir en faire, leur nouveau dino fini par tomber à plat et à ressembler à un vulgaire alien. On se console malgré tout avec quelques clins d'oeil efficaces (c'est sympa de revoir B. D. Wong et les lunettes avec vision de nuit) et d'autres un peu plus subtils (on peut brièvement entendre le thème musical du "monde perdu" qui était différent de celui du premier, ce qui, je pense, explique également son statut de film mal-aimé) on peut apprécier aussi un gore gentiment appuyé pour un film tout public, comme on peut s'amuser d'effets spéciaux plutôt réussis. Pour résumer: c'est tout de même mieux que Jurassic park 3!