Succès colossal au box-office, le contraire aurait été étonnant, le reboot de Jurassic Park par Colin Trevorrow n’en reste pas moins de ces films aseptisés qui nous font nous interroger sur la légitimité d’un cinéma de commande, d’un cinéma sans âme. Alors que le père Spielberg nous avait littéralement abasourdis, en 1993, avec la résurrection de ces bons vieux dinosaures, que reste-t-il, en 2015, de ce mythe cinématographique? Eh bien des souvenirs, de bons souvenirs, précis, inoubliables, qui sont entachés ici par un film ronflant, une machine à sous tous publics qui se nourrit des références pour mieux les spolier durant les scènes qui suivront. La conclusion est saumâtre, pour les puristes du film initial du moins. Ce que l’on faisait, avec de l’huile de coude, un esprit créatif et un certain génie dans les années 90, nous ne le faisons plus de nos jours. Pire, ce que l’on faisait dans les années 90 avait bigrement meilleure allure que ce que l’on fait aujourd’hui, quand bien même les budgets sont drastiquement plus lourds. Le succès du film initial revenait au génie de Steven Spielberg, à la qualité des effets, à la prestance de ses acteurs. Ici, le célèbre réalisateur, qui agit en tant que producteur, laisse sa place à un metteur en scène que l’on qualifierait de Yes Man, à des comédiens tous plus pathétiques les uns que les autres et à florilèges de CGI impotents.
Qu’à cela ne tienne. Mais pire que tout, Jurassic World massacre un mythe à grand coups d’ouvertures scénaristiques douteuses. Oui, au vu de l’héritage cinématographique du film de 1993, il n’aurait pas été pire que cela si toutes les bébêtes avaient changés de couleurs. Bref, le film est un blasphème pour tout fan, une ânerie pour le public lambda. Ce nouveau modèle de Blockbuster, exacerbé, lisse, moraliste, aseptisé, ne s’adresse finalement qu’à la nouvelle vague de cinéphiles, à l’inverse de ce que sera parvenu à faire cette même année le brillant George Miller. Qu’on se le dise, en dépit de quelques visuels plutôt sympathiques, des clins d’œil, nombreux, au chef d’œuvre de Spielberg et au plaisir de retrouver cette magnifique BO, rien ne semble convaincant dans cette bouillie de bon sentiment, dans ce mélange d’effets spéciaux criards.
Si Bryce Dallas Howard et sa course folle en talon haute sauve la mise coté casting, que dire d’un Chris Pratt aussi illustre qu’une écrevisse dans sa casserole, Indiana Jones de pacotille, héros stéréotypé dans sa plus pure forme? Qu’il est mauvais? Ce ne serait qu’un moindre mot. Que dire aussi des deux gamins que nous sommes forcés de nous coltiner tout le film durant, personnages pathétique d’ados et pré-ados insupportables qui se caractérisent de par un comportement qui n’existe plus au cinéma depuis des lustres. Le petit pleure, le grand drague. Le petit est fou de dinosaures, le grand de la gente féminine… Rien à prendre de ce côté-là. Que penser aussi des prestations d’Omar Sy et Vincent D’Onofrio, tous deux complètement à côté de la plaque? Non, décidément, même le casting est un échec.
Vous l’aurez compris, Jurassic World est l’archétype du film passe-partout, tout public, sans la moindre justification autre que l’appât du gain. Massacre d’un mythe, massacre du bout goût, les plus serviles applaudiront des deux mains, tous contents de retrouver ces bons vieux dinos sur grand écrans tandis que les autres iront pleurer sur le sort du cinéma, dans leurs coins. Pour ma part, le film m’a étonnamment fait rire, un rire nerveux malheureux face à la niaiserie parfois proposée, comme lorsque les deux protagonistes principaux accompagnent en larmes un gros pachyderme dans la mort, ou quand le bellâtre sur sa moto accompagne les raptors en ‘’mission’’. Affligeant jusque dans les moindres petits détails. Jurassic Park est mort, sortez vos mouchoirs. 04/20