Quoi, c'est Charlize Theron, là ? Non...Si ?" C'est en plissant les yeux durant 1h45 pour tenter vainement de reconnaître Theron (spoiler : on n'y est pas arrivé) qu'on a découvert Monster, une tragique histoire d'un couple de femmes en fuite, dont on attend l'issue (resteront ensemble ? Éviteront-elles la prison ?) avec une certaine absorption. On a du mal à s'ennuyer, dans ce synopsis de cavale qui mêle bonne humeur de la rencontre (le dancing en patins, ou comment nous faire chanter Don't Stop Believin' en moins de deux secondes...), la tristesse des disputes et des cachotteries (et l'on peut dire que la prostituée a des cadavres dans le placard...), et l'incertitude du pardon du partenaire... Si les histoires d'amour cuculs et soldées par d'infernales happy-end vous font fuir, restez sur place : Monster en est le pendant opposé. On ressort même un peu dépité, triste mais pas déçu d'être sorti du carcan bienpensant habituel, pour oser une histoire pessimiste, où tout le monde s'avilit sans le vouloir (ou le mériter), où le crime ne paie pas, où la fugue n'a rien d'une liberté, où les rares moments de joie sont confrontés à de longues galères. Monster révèle la part ténébreuse qui sommeille en chacun d'entre nous, poussé à bout (ici le parcours de la prostituée serre le cœur, même si l'on ne pardonne jamais sa folie meurtrière !), et questionne aussi : les "victimes" ne sont-elles pas tout aussi monstrueuses ?
L'homme qui veut qu'on l'appelle "papa" lors de la passe (et ne peut opposer de vrai "non" à la question sur sa potentielle pédophilie refoulée) terrifie tout autant, non
? Charlize Theron repartant avec l'Oscar pour ce rôle est une évidence tant elle est méconnaissable et sait en jouer ("vous êtes sûr que c'est elle ?"), tandis que Christina Ricci signe l'un de ses rôles les plus difficiles également (et brillamment réussi). Patty Jenkins aura du mal à remettre le couvert avec autant d'ardeur, il semble que ce premier film mate à plate couture l'ensemble de ce qu'elle a fait (et fera, on vous le parie) chez son nouveau boss Marvel. Wonder Woman, la femme parfaite, n'a qu'à bien se tenir : les deux fracassées viennent, et elles n'ont pas besoin de lasso de vérité pour nous vomir tout le malêtre et l'aliénation de leur personnage