Au premier abord, Julianne Moore et Denis Quaid forment un couple "classique" du film noir : femme fatale/gangster... Mais en regardant d'un peu plus près, ces deux bourgeois représentent le plus typique exemple d'un couple (aisé) des années 50. A voir leurs têtes, leur maison et leur télé, on les croirait directement sortis d'une publicité 50's ! Et ce n'est pas dû au hasard ; tout est calibré. Julianne Moore campe Cathy Withaker, ménagère exemplaire qui a tout ce qu'elle peut désirer : deux enfants, une très jolie maison dans un très joli quartier, un mari haut-cadre commercial, de fidèles amies... Denis Quaid quant à lui incarne le mari de Cathy, Frank pour qui la situation est plus ambigüe. A eux deux, ils forment le couple idéal, incarnation de la réussite de la haute bourgeoisie de l'époque ; pour les gens du quartier, c’est Monsieur et Madame "magnatech", l'entreprise où bosse Frank. Pour ceux qui sont débordés de boulot ou qui ont la flemme de lire, "Loin du Paradis" peut se résumer à ça : un peu de film noir, une histoire d’amour impossible, un soupçon de "Desperate Housewives", un bar gay, une Julianne Moore sublime ressemblant légèrement à Grace Kelly, un fond anti-raciste, progressiste et pro-mariage homosexuel. Qui est en droit de demander plus !? Mais pour vous faire chier, je vais m’éterniser dans une analyse ! Ce film est le récit d’une période exécrable dans son idéalisme. La société (surtout les classes aisées) est on ne peut plus hypocrite et réactionnaire ; entre racisme, homophobie – la médecine traitait l’homosexualité comme une maladie, avec des thérapies plus ou moins violentes – et sexisme ambiant mais pas apparent du fait de sa banalité… Ce film d’une justesse absolue a tout pour plaire. Une mise en scène classique mais fascinante dans son humilité, somptueuse dans son authenticité... Des plans tout simplement fastueux et éclatants, j’avoue avoir jubiler lors de certaines scènes ! Après ça, il y a la photo qui retranscrit avec efficacité le climat de l’époque, tout en offrant une ambiance élégante et énigmatique, puis la musique très modeste et délicate… Une distribution talentueuse vient parfaire le travail de Todd Haynes et de son équipe… Ce film d’une intelligence et d’une joliesse visuelle rares mériterait d’être plus connu ne serait-ce que pour sa dimension politico-sociale on ne peut plus honnête et malheureusement assez actuelle... "Far From Heaven" est à la fois un mélo émouvant, une critique de l'Amérique conservatrice, un hymne à la tolérance et une œuvre splendide de par sa forme. Julianne Moore et Denis Haysbert sont poignants dans leurs rôles
d'amant(e)s étouffé(e)s par l'impossibilité de leur union à cause du gouffre de la couleur de peau qui les sépares, et leurs milieux respectifs qui les répriment...
Magnifique.