C’est le premier long-métrage de Michael Cimino, sorti quatre ans avant Voyage au bout de l’Enfer. Cimimo avait au préalable travaillé au scénario de deux films interprétés par Clint Eastwood, dont Magnum Force. Intéressé par son style, Eastwood lui demanda d’écrire et de réaliser son film suivant. Cela donna donc ce Canardeur, titre en VF bien moche et qui ne rend pas compte du tandem au cœur de l’action, à l’inverse du titre en VO, Thunderbolt and Lightfoot. Mais passons. Le film vaut mieux que son titre. Il s’inscrit dans la mouvance du Nouvel Hollywood et prend la forme d’un agréable road-movie qui permet, en passant, de brosser un tableau peu reluisant de l’Amérique profonde, de ses bleds paumés dans les grands espaces, de ses âmes égarées, de sa violence. Et de conduire un récit de manière vagabonde. Cimino jongle avec talent entre différentes tonalités : comique et dramatique, cool et tendue, tendre et brutale. Il donne à voir une aventure à la fois picaresque et touchante, qui lorgne tantôt vers le film d’errance, tantôt vers le film d’action (avec le récit d’un casse, mené façon thriller). Les dialogues sont souvent amusants (notamment avec l’irruption de deux Pied-Nickelés cambrioleurs) ; les situations parfois absurdes. Mais c’est la relation d’amitié entre les deux personnages centraux qui confère au film son charme principal, association de contraires, association d’un baroudeur expérimenté et d’un jeune chien fou. Clint Eastwood fait du bon Clint Eastwood, sobrement ; Jeff Bridges exprime une belle sensibilité fragile, à la James Dean. C’est son personnage qui restera en mémoire, personnage prêt à tout, sans repères, mais surtout à la recherche d’un ami, d’un père ou d’un héros à qui se lier, à qui s’identifier. Symbole émouvant d’une certaine jeunesse perdue et d’une humanité en déshérence.