La Couleur de l’argent n’est pas le plus connu des films de Scorsese, mais c’est un très bon film sur un univers que je n’affectionne pas spécialement de base. Pour ma part, la grande efficacité du film c’est son tempo. Le métrage est filmé avec une grande nervosité par un Scorsese qui livre des plans mémorables servis par un montage nerveux, tendu, il y a un côté « rock and roll » dans la réalisation qui transparaît également dans la bande son, très réussie, très entrainante qui met directement dans l’ambiance, et dans l’interprétation. Les acteurs sont à fond dans leurs personnages, très typés, avec de vrais caractères, il y a de la tension, les dialogues sont rapides, incisifs parfois, il y a des répliques qui claquent, bref tout le film est vif, alerte, les rebondissements s’enchainent, on a pas le temps de s’ennuyer et c’est la force du film. On rentre vite dans le sujet, l’intrigue est simple, il n’y a pas de gras.
Cette qualité évidente pour ferrer le spectateur même peu intéressé par le billard, se double d’un vrai travail sur les décors, sur l’ambiance, on sent les odeurs, les parfums de ces salles de club un peu miteuses, ou au contraire, de ces grands clubs d’Atlantic City. Il y a de l’authenticité, et c’est souvent la force des films de Scorsese, toujours parfaitement soignés et documentés dans les accessoires, les décors. Même si on ressort pas mieux éduqué sur le billard (et une variante en particulier pratiquée dans le film) qu’en entrant dans le film (on nous assène que très succintement les règles, mais tant mieux en définitive), on en ressort avec une meilleure compréhension des rouages et des ambiances.
Côté casting, je l’ai un peu évoqué mais les acteurs sont tous très bons. Si Cruise est parfois un poil cabotin, son personnage veut cela, toutefois, je comprends que l’oscar soit revenu à Paul Newman. On a souvent du mal à citer des rôles iconiques de Newman, pourtant sa filmo est très qualitative et ce film le prouve encore. L’acteur est parfaitement à l’aise dans son rôle de mentor et il impressionne d’entrée de jeu dans une intro presque tarantinesque par les dialogues et le jeu. Mastrantonio, qui a finalement pas eu la carrière promise, trouve aussi un excellent rôle, son personnage a vraiment du relief, et le running gag qui l’accompagne sur son côté « dénudé » apporte aussi une touche un peu sexy au film qui n’a rien de déplorable ! Les plus habiles reconnaitront quelques acteurs en devenir dans des seconds rôles, notamment Forrest Whitaker.
Pour ma part, si j’ai un reproche à faire au film, c’est peut-être dans sa dernière partie. Le revirement concernant Newman est assez brutal, on en comprend pas bien l’origine, la temporalité change d’un coup et cette dernière partie a quelque chose d’un peu déconcertant, car le rythme change énormément et j’ai un peu eu l’impression d’une séquence un peu expédiée faute de temps. Au-delà de cela, certains trouveront peut-être quelques répétitions ou redondances et un poil trop étalé les « gamineries » de Cruise qui auraient peut-être pu se trouver un peu amputées au profit, justement, d’une meilleure mise en valeur du championnat de fin.
Pour ma part, La Couleur de l’argent reste un film très efficace, convaincant, qui explore un monde méconnu, celui du billard. Parfaitement campé par ses acteurs, solidement écrit, c’est un beau morceau de cinéma qui ravira par sa mise en scène, son ambiance, sa bande son. Quelques soucis d’écriture ne devraient pas refroidir le vrai cinéphile. 4