Le choc des mondes
Emmanuel Courcol est l’heureux réalisateur de deux films plus qu’intéressants. En 2016 Cessez le feu et, en 2021 Un triomphe. Mais avec ces 103 minutes, il surpasse, et de très loin, la qualité de ses précédentes réalisations. Thibaut est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l’amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie… Un de mes gros coups de cœur de l’année. Emotion, humour, justesse des sentiments, une comédie dramatique sociale absolument bouleversante.
Ça fait plus de 10 ans que l’idée d’une rencontre improbable d’un univers populaire avec un chef d’orchestre classique germait dans l’esprit d’Emmanuel Courcol. Et pourquoi pas – ajoute-t-il -, à travers deux frères aux destins contrariés qui incarneraient ces deux mondes si différents ? Le film se nourrit de musique classique et contemporaine, de jazz et de variété, et confronte aussi des pratiques musicales et des modes de vie très différents. Mais, en se limitant à ce strict sujet, le film risquait de se résumer à son aspect quasi documentaire. L’idée forte est ici d’interroger le pouvoir fédérateur et réparateur de la musique sous toutes ses formes. Si collectivement elle peut cimenter une communauté dans une société qui se fracture économiquement et socialement, elle est aussi le lieu intime du rapprochement de deux frères que tout oppose. Reste le contexte social très prégnant, et l’histoire de ce lien fraternel qui va se tisser cahin-caha au fil d’une histoire magnifique soutenue à la fois, par les musiques de Beethoven, Mozart, Debussy, Mendelsshon – toutes interprétées en direct pour les besoins du film -, entre autres, quelques standards de jazz et les musiques jouées par une véritable harmonie municipale et ses membres auxquels se sont ajoutés quelques membres du casting – qui jouent eux aussi réellement -. Ça sonne juste et vrai à tous les points de vue. Vous sortirez de là le cœur en vrac tant l’émotion est palpable dans une des plus belles histoires racontées au cinéma cette année.
Une fois de plus l’impeccable Benjamin Lavernhe – from the French Comedy – fait merveille. Il dirige lui-même les orchestres et est plus que convaincant dans l’exercice. Quant à ce lui de comédien… c’est un régal. D’autant qu’il trouve en Pierre Lottin un acteur à son meilleur. Citons encore Sarah Suco et Jacques Bonnafé, Ce casting associé aux « locaux » nous fait partager à la fois le goût pour la musique, la fraternité et le partage. Il y a du Ken Loach dans ce film qui fait penser aussi à l’inoubliable Les Virtuoses – Brassed off – de Mark Herman en 1996. De sacrées références pour un film, déjà couvert de Prix du Public dans divers festivals, qu’il ne faudra rater sous aucun prétexte. Guettez sa sortie prévue pour le 27 novembre prochain. J’irai sans doute le revoir à ce moment.