Pas de vagues, dont le titre reprend le hashtag dénonçant les violences subies par les enseignants en France, bien que documenté par l’expérience de prof du réalisateur lui-même, assume son statut de film de genre, en l’occurrence le thriller, en faisant le choix de se centrer sur un personnage principal omniprésent, sur lequel se referme peu à peu le piège cauchemardesque d’un harcèlement, dont il est accusé, mais dont il est en réalité, l’unique victime.
Si la fiction nécessite d’appuyer le trait et ne saurait tenir de l’objectivité d’une enquête sociologique, il n’en est pas moins qu’y est montré avec vraisemblance le mécanisme de la violence que le groupe est capable de faire subir à un individu, lequel, en tant que représentant de l’autorité, est tenu pour responsable de ce qui lui arrive. Quelque chose dérape et le prof se prend de plein fouet, par ricochet, la violence sociale qui frappe ses élèves. Or, cette situation, qui a toujours été le corollaire de la profession, bien qu’elle soit une expérience partagée par des cohortes et des cohortes d’anciens élèves, que nous pouvons être, n’est jamais reconnue par l’institution, qui préfère mettre en cause la victime elle-même, pour ses supposés manquements – ici, l’invitation au Kebab de quelques élèves par leur professeur.
Deux horizons référentiels s’affrontent : celui du prof de Lettres et celui de jeunes de banlieues défavorisées, qui ne reconnaissent plus le sens littéral de certains mots (« fraîche »), ou refusent d’en apprendre d’autres, complexes il est vrai (« astéisme »). Dès lors, le complotisme, fût-il de de cour de récré, parvient à faire basculer l’autorité qui n’a pas suffisamment de crédit, d’assise.
On pourra regretter que le scénario semble par endroits moins travaillé (notamment dans les passages mettant en scène le prof dans son intimité), mais l’expérience de classe et les incompréhensions entre l’adulte et les adolescents est cependant très précisément saisi.
Par ailleurs, la mise est simple, mais le jeu de François Civil impeccable, et la transposition des codes du thriller dans cet environnement scolaire, qui devrait interroger aujourd’hui davantage l’ensemble de notre société, est intense.