Le cinéma s’est toujours intéressé au monde de l’école, déjà en 1933 avec « Zéro de conduite » de Jean Vigo (1905-1934) et « Merlusse » (1935) de Marcel Pagnol (1895-1974). Le métier devient difficile et l’ambiance se détériore dans « Graine de violence » (« Blackboard jungle ») (1955) de Richard Brooks (1912-1992) tandis qu’André Cayatte enfonçait le clou avec « Les risques du métier » (1967) où une élève accusait son instituteur (Jacques Brel) d’avoir tenté de la violer. Précédé par « La salle des profs » (2023) de l’Allemand Ilker Çatak qui décrivait le milieu scolaire à travers une professeure de mathématiques, qui voulant élucider une série de vols, allait semer, involontairement, le désordre dans le collège, Teddy Lussi-Modeste, s’inspirant de sa carrière antérieure d’enseignant, décrit lui aussi, avec intelligence (scénario co-écrit avec Audrey Diwan et qui a été aussi scénariste de 4 films de son ancien conjoint, Cédric Jimenez) une situation qui va partir « en vrille ». A partir d’un commentaire anodin lors de l’étude du poème, « Mignonne, allons voir si la rose » (1545) de Pierre de Ronsard (1524-1585) fait par Julien Keller, professeur de français (François Civil, excellent), s’installe un piège qui va se refermer sur lui ; l’accent est mis, bien sûr, sur les collégiens de 4e du collège Paul-Eluard en région parisienne, « élevés par des loups », impolis, d’une ignorance crasse, au vocabulaire limité mais très délurés, rebelles à toute autorité et à toute frustration, agissant, parfois avec perversité (2 collégiennes) ou pire, par bêtise (
Leslie, au regard de biche apeurée paralysée par les feux d’une voiture dans la nuit, à l’origine des ennuis de Julien, victime de sa générosité éducative et qui va perdre ses illusions de vouloir changer la vie de ses élèves, comme un professeur l’avait fait pour lui
) mais surtout sur une administration frileuse (d’où le titre) et des professeurs divisés, pas toujours solidaires. Professeur va-t-il rester le plus beau métier du monde ? Comment pallier le départ à la retraite des 300 000 enseignants d’ici 2030 ? L’école n’est que le miroir de la société où règne le chacun pour soi, le défaitisme (
du proviseur, de la policière qui enregistre, non pas une plainte mais une main courante de la part de Julien Keller, minimisant ainsi les faits
).