3e long-métrage du réalisateur Teddy Lussi-Modeste (Jimmy Rivière, Le Prix du succès), s'inspirant ici d'un propre épisode de son parcours d'enseignant, ce nouveau film sur les dysfonctionnements du système scolaire fait écho au très récent (et très réussi) film allemand «La Salle des Profs».
Répétant le schéma du jeune professeur de collège voulant bien faire et se retrouvant, suite à un quiproquo (ici une remarque maladroite faite à l'une de ses élèves), peu à peu abandonné par sa hiérarchie et ses propres collègues, ce «Pas de Vagues» est une illustration plutôt réussie d'une institution qui s'est fragilisée, en particulier ces dernières années.
Représentative d'une époque où il faut marcher sur des œufs et faire attention à certains sujets qu'on aborde dans sa salle de classe pour ne pas heurter tel ou tel élève et ne pas créer de remous au sein de l'établissement, cette œuvre met notamment en images le poids des mots et des on-dit, où tout semble sujet à (sur-)interprétation (répété, déformé et amplifié), et aux conséquences disproportionnées que ceux-ci peuvent entraîner, pour le prof comme pour certain.e.s de ses élèves.
Et surtout dresse le constat d'une rupture entre le corps professoral et le rectorat, qui est aujourd'hui bien plus frileux à l'idée de soutenir un enseignant, et préfère laisser couler (parce qu'il a peur des potentielles retombées au sein de son établissement, ou parce qu'il s'en lave les mains tout simplement).
Un sujet plus qu'intéressant et actuel, mais dont l'exécution à l'intérieur de ce film me paraît un peu fragile.
Accompagné d'une réalisation très classique, le scénario, co-écrit avec Audrey Diwan (Bac Nord, L’Événement, L'Amour et les Forêts) et se focalisant sur le point de vue du professeur de lettres accusé à tort et qui ne va pas se laisser faire (incarné avec conviction par le talentueux François Civil), alterne scènes de classe et scènes extérieures (couple, quotidien).
Si ces dernières restent assez plan-plan et n'apportent pas grand-chose à l'histoire, les séquences se situant à l'intérieur du cadre scolaire interrogent le problème d'une communication instable, entre profs et élèves, mais également entre profs eux-mêmes, chacun campant sur ses propres positions (tant qu'il estime que cela va dans le bon sens, pour lui ou pour le groupe) et disant sa "vérité" sans forcément écouter l'autre.
Récit d'un engrenage dû à cette rupture de communication, le film soulève des questions pertinentes, démontrant que l'on préfère aujourd'hui favoriser le silence à l'échange (empêchant de mettre des mots sur ce qui ne va pas, pour essayer d'éclaircir le problème et tenter d'y remédier), alors que nous nous trouvons dans le temple de la transmission.
Dommage que la narration soit un peu artificielle et convenue par moments, avec des phrases qui sonnent parfois faux et certains personnages secondaires trop uniformes (comme le grand frère de l'élève "harcelée").
Un sujet important pour un film pas entièrement abouti.
Révélateur d'un problème sociétal qui semble a priori sans issue, à l'image de cette conclusion (?) abrupte et presque onirique, le film reste évidemment à découvrir, rien que pour pouvoir se faire son propre avis et échanger dessus justement. 6,5/10.