Sophisticated lady
Oui, sophistiqué, distant et glacé comme la couverture d’un hebdo féminin à la mode. Audrey Diwan – pour laquelle j’ai la plus grande admiration après L’événement et Mais vous êtes fous, ces deux 1ers films – nous propose 107 longues minutes d’un remake du naveton porno-soft de 1974 signé par Just Jaeckin. Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper. Entendons-nous bien, c’est 1000 lieues au-dessus du film de 1974, qui avait choqué – sous la France pompidolienne, pouvait-il en être autrement -, mais en restant tout de même à l’affiche pendant plus de 10 ans sur les Champs-Elysées et en réunissant près de 9 millions de spectateurs – de voyeurs ? -. Je doute fort que cette nouvelle version réussisse la même performance.
Attention, pas de malentendu. Le terme « remake » est galvaudé. Il s’agit d’une nouvelle lecture du roman d’Emmanuel Arsan, qui fut un best-seller en son temps. On sent bien que la cinéaste, aidée par Rebecca Zlotowski – Les enfants des autres, Une fille facile, Grand central, Belle Epine -, a parfaitement mesuré ce qu'est le nom d'Emmanuelle dans l'inconscient collectif. Elles ont donc tenté d'inverser les codes pour affirmer une chose très évidente, c'est-à-dire « l'époque et les codes ont changé ». Pour réfléchir à la place de l’érotisme dans notre société, le scénario donne une existence à son héroïne. Hélas, elle évolue en permanence dans un monde hors-sol, au luxe outrancier, peuplé de gens vides et prétentieux. Bref, Emmanuelle est toujours aussi belle, aussi sexy, aussi libérée mais parfaitement antipathique. Sa froideur, ses airs hautains, sa solitude sont glaçants. L’impression générale que m’a laissée ce film se résume en deux mots : chic et toc.
Le fauteuil en rotin a disparue, les toilettes de l’avion sont toujours là, les différentes figures érotiques – c’est un peu comme au patinage artistique, on n’échappe pas aux imposés -, masturbation, triolisme, voyeurisme etc. et c’est Noémie Merlant qui s’y colle. Elle s’en sort, ma foi, avec les honneurs. Les seuls moments de réalisme sont dus aux scènes partagées avec l’impeccable Naomi Watts. Pour les autres, Will Sharpe et Chacha Huang, ils semblent s’ennuyer pratiquement autant que nous. Une mise en scène ultra-esthétisante à la frontière du clip publicitaire, la musique maniérée des frères Galpérine, des dialogues sentencieux parfois aux limites du ridicule, cette nouvelle version d’Emmanuelle promettait le fantasme, d’où la déception qu’il provoque. D’aucuns parlent d’un film sur l’émotion introuvable. Je reprendrai volontiers la formule, mais dans ma bouche, ce n’est pas un compliment. Effectivement, je n’y ai trouvé aucune émotion. Frustrant !