Le réalisateur de « Parasites », le coréen Bong Joon Ho, revient sur les écrans avec cette fois une fable de science fiction, une satire assez féroce du capitalisme et de l’eugénisme. Financé par Warner, avec un casting de stars hollywoodienne et des moyens conséquents, voici donc « Mickey 17 », un film de près de 2h30 qui débute par un très long flash back. Car la première demi-heure du long métrage, après une petite scène d’ouverture dans la neige et la glace de la planète Niflheim, sert à poser les bases de toute l’intrigue : qui est Kenneth Marshall, ce politicien populiste et sans scrupule ? Qu’est-ce que le programme des « remplaçables » ? Comment ont vécu et péri les 16 premiers « Mickey » ? Tout cela est longuement expliqué avec force détails, cruauté et ironie avant que l’intrigue ne démarre réellement. Cette longue introduction est indispensable pour que qu’on puisse appréhender ce monde de 2054 qui ne fait pas (du tout) envie. Un deuxième flash back interviendra ensuite, pour expliquer pourquoi les « multiples » ne sont pas tolérables dans ce système. Le film est long mais ce n’est pas un problème parce qu’il y a plein de choses à se mettre sous la dent : de l’humour au vitriol, de la tendresse, de l’action, quelques effets spéciaux et un peu de violence. Cette violence n’est pas montrée frontalement comme elle avait pu l’être dans la dernière partie de « Parasites », ici elle est souvent hors champs et suggérée (par le son notamment) plutôt que sanglante et complaisante. Accompagné d’une BO sympathique mais sans plus, le film est suffisamment dynamique pour que les quelques rares longueurs n’altèrent pas le rythme. Bong Joon Ho pousse le curseur dans beaucoup de domaines, et dénonce clairement les excès d’un capitalisme débridé, le fourvoiement d’une certaine idée de la science, la tentation eugéniste des autocrates. On pourra toujours objecter que cela est fait sans nuance mais on est devant une fable, une sorte de conte de science fiction.
Les humains viennent infecter la nouvelle planète, ils le proclament ouvertement, et ils parlent des espèces autochtones en les traitants d’ « aliens », ce qui est un non sens total.
Mais qui se soucie du sens des mots, de la morale, d’une certaine idée de l’Humanité ? Surement pas Kenneth Marshall !
Ce populiste à perdu les élections ? Peu lui importe, il va coloniser une nouvelle planète où il pourra régner tel un despote sur des fidèles fanatisés, à bases de slogans simplistes, de bling bling, de logos, de christianisme dévoyé. Toute ressemblance entre le personnage grotesque incarné (merveilleusement) par Mark Ruffalo est tout, sauf une coïncidence ! Mickey 17, qui doit cohabiter par erreur avec Mickey 18, a un caractère faible. Mickey 18, lui, est plus cynique et plus courageux aussi sans doute. Apparemment, les clones ont beau être refaits à partir de la même matrice, il y a des nuances entre eux. C’est étrange quand on y pense, il n’y a aucune raison à cela, à moins que ce clonage ne finisse par altérer le modèle, ce que le scénario ne suggère pas réellement.
Ce scenario a plein de jolies idées,
comme cette cohabitation avec l’espèce autochtones, des insectes énormes et repoussants qui sont, paradoxalement, les plus humains que les humains… et plus futés que Marshall, mais ce n’est pas très compliqué
. Le casting apporte beaucoup au film avec d’abord un Robert Pattinson omniprésent, souvent drôle et attendrissant, que je trouve bien plus intéressant que quand il incarne un Batman ombrageux. Pour un peu, il se ferait presque voler la vedette par Toni Collette et Mark Ruffalo, qui en font des caisses dans le rôle d’ Ylfa et Kenneth Marshall. Il y a 10 ans, j’aurais dit que c’étaient des caricatures de populistes milliardaires mégalomanes et sans morale. Mais on est en 2025 et pour notre malheur, cela ne sonne plus tellement comme une caricature. Ruffalo (un de mes acteur chouchou) est incroyable avec son phrasé si particulier, sa bouche en cul de poule et ses tirades surréalistes. « Mickey 17 » fait rire, fait un peu frissonner et fait réfléchir aussi. Bien-sur tout cela est outrancier, improbable, presque clownesque par moment mais on rit un peu jaune. Improbable, outrancier, vraiment ?