Présenté en sélection officielle à Cannes dans la section Un Certain Regard l’an passé, ce très beau film qu’est « Le bleu du caftan » (et la signification du titre prend tout son sens une fois le film vu) est reparti bredouille de la compétition. Mais comme tout le monde le sait, les voies des jurés ou d’un jury en particulier sont souvent impénétrables. Ce second film franco-marocain de Maryam Touzani après « Adam » a été, comme ce dernier, écrit et produit en étroite collaboration avec Nabil Ayouch, le réalisateur des excellents « Much loved » et « Les chevaux de Dieu » mais aussi du beaucoup moins réussi « Razzia » où Tounzani tenait d’ailleurs le haut de l’affiche. Deux artistes aux carrières intimement liées qui nous offrent un très beau drame sur le désir, les interdits, le poids des conventions dans la société marocaine mais aussi, en filigrane, un hommage au travail artisanal.
Pour pleinement apprécier cette œuvre, il faut accepter de se fondre dans sa langueur car le rythme est assez lent, c’est un film qui prend son temps. C’est cependant nécessaire et en totale adéquation avec le propos du film qui est axé sur les gestes, les regards, les non-dits et les choses à priori anodines. Malgré cela, et les plus de deux heures qu’il dure, on ne s’ennuie pas même si un petit quart d’heure en moins n’aurait probablement pas porté préjudice à l’appréciation que l’on s’en fait. Ce tempo dévolu à ces trois personnages fait son effet justement parce qu’il est réaliste dans la manière dont il construit et amène leurs rapports, leurs désirs et leurs frustrations. On comprend et on ressent ce que chacun d’entre eux peut contenir en lui (ou elle). Des mains qui se touchent, un regard qui fuit ou encore une étreinte impossible sont autant de moments aussi forts qu’un réel passage à l’acte et Tounzani prend parfaitement le pouls de son trio prisonnier des traditions. C’est juste, c’est pudique et c’est d’une sensibilité confondante.
Mais « Le bleu du caftan » ne se limite pas à appréhender une homosexualité inavouée ou un mariage écran : il parle aussi de la société marocaine au travers de quelques-uns de ces travers (l’absence de soutien financier de l’État quand vient la maladie, l’omniprésence d’une police presque fasciste malgré le Printemps arabe, ...) mais il remet aussi à l’honneur la beauté du travail artisanal, le couple principal tenant ici une échoppe de couture de costumes traditionnels faits main. Et la beauté du travail manuel est impeccablement rendue, les gestes d’antan étant magnifiés, presque envoûtants. Tout comme l’est d’ailleurs la mise en scène apprêtée et léchée de la cinéaste, parfaitement adaptée au propos. Un film à la fois doux comme une caresse sur la forme mais violent comme une gifle sur le fond. Et quand la tragédie prend le dessus sur la fin, c’est à un sublime final, de toute beauté et d’une noblesse rare, que nous invite Maryam Touzani qui se place comme une réalisatrice sur laquelle il faudra compter.
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