Un très beau film sensible, pudique, dont les trois protagonistes ont tant de noblesse d'âme qu'on aimerait que le cinéma français s'en inspire, parfois, au lieu de s'attacher à glorifier les glandeurs, les magouilleurs et les couche-toi-là.... A côté de cette histoire simple et belle d'amour et de mort, il y a aussi le côté office du tourisme, admirez l'artisanat marocain, parfois un poil envahissant... Mais Maryam Touzani film si bien, dans des éclairages dignes de La Tour, souvent en gros plan, visages, mains....qu'on lui pardonne d'étirer certaines séquences au delà de l'utile
C'est que Halim (Saleh Bakri) est un maâlem, un artisan capable de perpétuer un savoir faire ancestral, ici, les broderies qui bordent les caftans (même si, nous dit on, la science de certains motifs particulièrement sophistiqués s'est perdue). Il tient dans la médina, avec sa femme Mina (Lubna Azabal) une boutique fréquentée par des bourgeoises qui veulent un vêtement entièrement fait à la main (car maintenant les broderies peuvent être reproduites par des machines), personnel, même si sa confection peut demander de deux à trois mois... Et justement, l'artisan travaille sur la commande d'une très belle pièce, d'un bleu chatoyant, ornée de broderies très élaborées, commandé par une mégère qui se croit tout permis car son mari est un ponte dans l'administration municipale....
Halim et Mina c'est un couple fusionnel, uni par une immense tendresse; une famille sans enfant, dont le chef est assurément Mina -c'est elle qui a fait la demande en mariage- une femme douce mais décidée, qui n'hésite pas
à entrainer son mari dans un café où une foule d'homme regarde la télévision et à se lever en applaudissant quand un but est marqué.... par l'équipe adverse
. Mais pieuse aussi, tous les matins, elle fait ses ablutions et prie, nouant pour l'occasion un foulard sur sa tête. La religion ne semble pas, par contre, beaucoup concerner Halim.
Mais Mina est malade. De quoi? on ne sait pas, mais on le devine vite, et Halim s'occupe d'elle avec un infini dévouement. Pourtant, ce bel homme aux yeux gris cache un secret. Le fait qu'il aime son épouse ne l'empêche pas d'être sexuellement attiré par les garçons. Alors, ça se traite par une étreinte rapide dans une cabine individuelle du hammam. Eh ben, il s'en passe des choses dans les hammams de ce pays si pointilleux sur la morale, et particulièrement sur le rejet de l'homosexualité! Mais arrive chez Halim un nouvel apprenti, Youssef (Ayoub Missioui), charmant. La tentation est là, maintenant, au coeur du foyer...
Si la scène où Mina arrive à se lever de son lit de mourante pour esquisser quelques pas de danse avec les deux garçons, au son d'une musique venant de la rue, ne vous tire pas des larmes, c'est que vous avez un coeur de pierre... Et même si la fin, on s'y attend, l'émotion est là. Assurément le film à ne pas manquer cette semaine!