Le Bleu du Caftan” raconte l’histoire de Halim et Mina, un couple tenant une boutique de Caftans dans la médina de Salé, haut lieu d’artisanat, dans la plus pure tradition marocaine. Youssef, un jeune apprenti partage avec Halim, la même passion sincère pour la couture. Le film parle de transmission, de tabou et d’amour.
C’est le second long de la réalisatrice Maryam Touzani après le très beau Adam. Compagne de Nabil Ayouch, le couple de cinéastes co écrivent mutuellement chacun de leurs films respectifs. Mais les films de Maryam Touzami sont bien ses films à elle, tout comme ceux de Nabil Ayouch ont son empreinte singulière. Dans « Much Loved » interdit au Maroc ou l’excellent « Razzia », le réalisateur a mis à l’honneur sa très belle épouse à l’écran, passée de l’écriture à l’autre côté de sa caméra à lui. Ses films sont engagés politiquement, ils viennent parler des fractures de la société marocaine, à travers un travail de mise en scène, tel un coup de poing visuel pour nous spectateurs.
Maryam Touzani quant à elle, nous emporte dans un univers très subtil dans lequel la délicatesse s’impose en marque de fabrique. Son œil derrière sa caméra semble caresser ses acteurs tant la matière qu’elle en retire est fragile. Elle capture à l’image les non-dits dont le film déborde. Elle créait à l’écran un sensible trio amoureux du magasin à l’appartement du couple.
La sensualité semble circuler de la noblesse des belles étoffes brodées aux 3 personnages principaux. L’amour du travail bien fait, se transmet des tissus qui frôlent les corps, aux 3 protagonistes du film. Le travail du maalem entre ses mains, passe du toucher aux regards, tel un lien qui viendrait les souder dans une communauté délicate.
Lubna Azabal déjà présente dans Adam, était l’actrice à laquelle la réalisatrice pensait en écrivant son scénario. Trouver les 2 acteurs hommes, fût plus complexe. Il fallait pour cela accepter de se défaire de ses personnages écrits et fantasmés. Mina déborde d’une énergie qui permet à la boutique de tourner, tout en protégeant telle une louve son époux de la clientèle avide et toujours plus exigeante. Youssef et Halim sont les spectateurs attentifs et taiseux de ce qu’elle permettra ou non, c’est elle qui mène la danse.
Tiercé gagnant tant les deux hommes taiseux sont remarquables de douceurs et d’émotions contenues. Saleh Bakri est un acteur palestinien reconnu, dont la beauté plastique nous va droit au cœur. Ayoub Missioui est lui un acteur débutant, et il est une très belle surprise dans ce film.
Certaines scènes sont d’une beauté bouleversante, tant elles sous entendent le propos avec une pudeur renversante. Les chevilles et leurs mouvements visibles sous la porte de la cabine du hammam, qui abrite une sexualité qui doit rester cachée. Les mandarines épluchées par un mari attentionné aux petites douceurs qui viendront apporter à son épouse souffrante du réconfort.
Les personnages nous touchent durablement après la fin du film, tant ils font ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils sont intimement. C’est bien là toute la beauté de ce film qui semble avoir emporté l’émotion du public lors de sa projection au festival de Marrakech, et on ne peut que s’en réjouir.