Désireux de rendre hommage aux premières photographies qui furent jamais prises du sud-est de l’Islande, ‘Godland’ se déploie dans un cadre 1:33, format “diapositive” avec bords arrondis, ce qui accroît la sensation d’avoir affaire à un documentaire. D’ailleurs, l’histoire que raconte le film est véridique puisque c’est à la fin du 19ème siècle qu’un jeune prêtre danois fut envoyé dans cette région isolée pour y construire une église et photographier paysages et habitants. ‘Godland’ possède d’évidentes accointances avec le cinéma de Werner Herzog, ‘Aguirre’ et ‘Fitzcarraldo’ au premier chef avec lesquels il partage cette notion croisée d’une odyssée obstinée à travers des paysages aux proportions mythologiques et dans des conditions extrêmes qui écrasent nécessairement toute vélléité humaine, et d’un autre voyage, intérieur celui-là, où sont remises en cause les motivations et les idéaux qui ont poussé à entreprendre ce voyage. L’isolement, la solitude, la méfiance du prêtre envers ces insulaires qui ne semblent pas débarrassés de toutes leurs croyances ancestrales et celle des insulaires envers ce prêtre qui ne semble pas prêt à se fondre dans leur culture, auxquelles il faut ajouter une incompréhension de langue, tout simplement, vont concourir à pousser l’homme de dieu dans une certaine dérive personnelle. Pourtant, ‘Godland’ brille moins par sa facture patrimoniale ou la relation conflictuelle entre le prêtre et ses ouailles que par le combat que celui-ci semble mener contre des forces invisibles et abstraites que s’incarnent dans la nature hostile de l’île, ainsi que par ses nombreux instants suspendus, qui peuvent prendre la forme de gouttes d’eau s’écrasant sur de la roche noire ou d’un cadavre de cheval se décomposant sur la lande et qui, par leur force mystique et transcendante, ont vocation à laisser l’imagination du spectateur vagabonder. Oeuvre sensorielle, métaphysique et allégorique, destinée à des spectateurs portés à la contemplation et l’introspection, ‘Godland’, oeuvre immobile malgré l’idée du voyage, se montre malheureusement aussi parfois à froid et rigide dans l’application de ses idées, ce qui devrait le couper d’une part non négligeable du public.