Chemin de croix
Le film qui aurait dû avoir la Palme d’Or. C’est ainsi que certains parlent du film du danois Hlynur Palmason, dont j’ais découvert Un jour si blanc en 2020 et qui m’avait fasciné. On retrouve dans ces 143 minutes – eh oui, Monsieur Palmason est un cinéaste qui sait prendre son temps -, la lenteur, le goût de l’étrange, de l’ambigü… et des longs plans fixes. À la fin du XIXème siècle, un jeune prêtre danois arrive en Islande avec pour mission de construire une église et photographier la population. Mais plus il s’enfonce dans le paysage impitoyable, plus il est livré aux affres de la tentation et du péché. Un très long chemin initiatique à travers des paysages somptueux et une dernière partie très surprenante. Un très grand film !
Comme d’habitude, il y a deux festivals à Cannes, celui de la Palme d’Or et les compétitions où l’on croise le plus souvent des réalisateurs plus jeunes et beaucoup moins connus du public. C’est là aussi qu’on découvre des pépites portées par des regards originaux. C’est le cas de ce Godland, aride, violent entre film de survie et drame historique – tout le scénario est basé sur des faits réels. En cette fin de 19ème siècle, l’Islande est encore sous domination danoise qui est d’ailleurs de moins en moins bien supportée par les iliens. Le jeune prêtre va devoir donc affronter l’hostilité de la nature, - la mer, le froid, le vent, la pluie, les volcans - et celle des autochtones. Un périple qui va mettre sa foi et sa moralité à l’épreuve. On suit donc avec fascination la lente désintégration morale d’un homme de foi dont on se demande s’il sera à la hauteur de ses idéaux. Superbe photographie – en format carré aux coins arrondies -, une bande-son tout aussi magnifique comme écrin pour un « héros » imparfait et antipathique, car pétri de ses certitudes et de sa prétendue supériorité. Il lui est donc très difficile d’admettre que sur cette terre hostile il est entouré d’hommes et de femmes meilleurs que lui. Aura-t-il l’humilité de le reconnaître ? Jusqu’où ira la métamorphose du jeune prêtre ? L’omniprésence de la nature et de la mort – hallucinantes séries de plans sur un cheval mort entrain de se décomposer de saison en saison – sont un des axes principaux de cet immense film.
Elliott Crosset Hove, porte ce film dé bout en bout et nous fait partager le calvaire qu’il traverse. A ses côtés les Victoria Carmen, Jacob Lohmann, Ida Mekkin Hlynsdottir, Ingvar E. Sigurosson et tous les autres sont incroyables de force et de vérité. Palmason est un faiseur de miracle, car il transforme la port en fleurs et la brutalité en poésie. Un film difficile mais magnifique à ne manquer sous aucun prétexte dès sa sortie prévue à la mi-décembre.