Superbe découverte que ce Mars Express,que j'attends depuis un moment en tant que gros fan de Périn (Lastman). Réalisateur de talent dont j'ai eu la chance de faire une interview de 45 minutes, détaillant son parcours, les germes de son premier long-métrage, la fabrication entre 5 studios, le processus créatif sur plus de 5 ans, et même des éléments non-présents dans la version finale d'1h20.
Car il faut le dire, c'est pas tous les jours qu'on voit de la SF adulte en animation (et encore moins français), au budget plutôt confortable de 7 millions d'euros.
Et Mars Express amène tout l'artisanat et la patine de Je Suis Bien Content pour proposer une déclaration d'amour à tout un pan de la hard-SF et du cyberpunk (pêle-mêle on y trouve du Robocop, Ghost in the Shell, 2001, Blade Runner, Asimov...) mêlé à du polar (Chinatown en tête, mais aussi du Live and Die in LA).
L'histoire est simple : on est en 2200, alors que l'Homme à coloniser plusieurs planètes et que l'IA fait partie intégrante de notre mode de vie. On suit l'agent Aline Ruby (Léa Drucker), ainsi que son comparse Carlos Riviera (Daniel Njo Lobé), un "sauvegardé" (concrètement un personnage décédé quelques années plus tôt dont on a sauvegardé les données mémorielles, et implanté dans un corps robotique).
Alors que les 2 personnages tombent sur un cas de robot "déboulonné" (il s'est affranchi des programmes d'asservissement et de non-autonomie, très Asimov dans l'âme donc), le duo va enquêter sur une plus grande machination encore prenant place sur Mars.
Tueurs cybernétiques ultra-violents, étudiante en robotique traquées pour des raisons obscures, explorations des diverses strates de la ville Noctis (des strip-clubs jusqu'aux méga-corporations), Périn et Sarfati convoquent tous les codes pour créer cependant une intrigue inspirée qui ne sent jamais le réchauffé.
Cela vient bien sûr du ton employé (c'est moins transgressif que leurs précédents travaux mais l'hémoglobine est de mise, tous comme les insultes ou les quelques allusions sexuelles), de la qualité d'animation (toujours ce style ancré dans le réel, avec des saillies de mise en scène comme les POV, les plans caméra à l'épaule, etc), de l'écriture des dialogues (on évite pas des bonnes doses d'humour noir également) et bien sûr de la directionartistique flamboyante signée Mikael Robert.
Grosses influences Syd Mead (avec des idées à la Verhoeven ou Cronenberg), c'est un vrai festin pour tout amateur de SF : architecture rétro-futuriste de Silicon Valley du XIIIe siècle, voitures magnétiques, robots-secouristes... ça fourmille de détails dans un monde curieusement crédible malgré soncaractère fastueux de geek-porn.
Le principal défaut du film selon moi tient dans sa durée d'1h20 (limitation liée au budget selon ce que m'a dit Périn), ne permettant pas toujours de totalement exploiter divers persos (je pense à notamment à Chris Roybacher, doublé par Mathieu Amalric). Néanmoins, cela permet un rythme ramassé et une grande efficacité globale, même si j'aurai aimé en apprendre plus sur le personnage d'Aline (là où Carlos cristallise grosso modo toutes les thématiques du métrage, avec une certaine aura tragique).
Une épaisseur globale qui caractérise à merveille ce Mars Express, digérant ses influences dans un très bon film d'animation (même le score ambiant de Fred Avril et Philippe Monthaye participe à cette immersion, en particulier dans des séquences d'action bien pêchues).