Quand l’invraisemblable devient réalité
Disons-le tout net, depuis 1997 et Sept ans au Tibet, ainsi que 2000 et son Stalingrad, Jean-Jacques Annaud – 80 ans aux pommes -, n’avait plus proposé quelque chose de présentable. On attendait donc avec curiosité cette reconstitution heure par heure de l’invraisemblable réalité des évènements du 15 avril 2019 lorsque la cathédrale de Paris subissait le plus important sinistre de son histoire. Et comment des femmes et des hommes vont mettre leurs vies en péril dans un sauvetage rocambolesque et héroïque. Brillant, efficace, haletant, virtuose,… on ne tarit pas d’éloges sur cette excellente surprise en forme de plongée au cœur de l’incendie le plus célèbre de l’Histoire, qui ose même avancer quelques pistes sur l’origine du sinistre sans pour autant conclure… position prudente puisqu’à ce jour, nulle réponse définitive n’a été apportée. Brillantissime !
Fin décembre 2019, le président de Pathé, Jérôme Seydoux, propose à Jean-Jacques Annaud de faire un film de montage d’archives à grand spectacle pour écrans larges, avec son immersif, sur l’incendie de Notre-Dame. Ce film-dossier évite tous les écueils du documentaire historique fastidieux avec sa voix off lancinante. Bien au contraire, ces 110 minutes sont menées comme un thriller spectaculaire et ce, rien qu’en se basant sur les archives de l’événement. On y découvre l’inimaginable. En particulier, une fascinante cascade de contretemps, d’obstacles et de dysfonctionnements. Et tout ce ci n’est évidemment pas de la fiction. L’héroïne, - la cathédrale -, en proie au pire de ses ennemis – le feu – en au milieu une poignée de femmes et d’hommes prêts à donner leur vie pour la sauver. Pour réaliser ce tour de force, Annaud aura bénéficié d’un budget confortable certes – 30 millions d’euros -, mais beaucoup moins élevé qu’à l’habitude pour ce genre de films catastrophe. Le tournage a eu lieu dans les cathédrales de Sens, Amiens, Bourges, ainsi qu'à la basilique de Saint-Denis. Les scènes de feu ont, quant à elles, été recréées dans les studios de la Cité du cinéma à Saint-Denis et à Bry-sur-Marne. Par ailleurs, un appel à contribution a été lancé pour recueillir des vidéos d’amateurs sur les embouteillages dans Paris le soir de l'incendie ou de foules regardant, dans les capitales étrangères, la catastrophe à la télévision. Les membres de la BSPP - Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris – la Mairie et le ministère des Armées ont tous joué le jeu en apportant leurs soutiens mais aussi la documentation précise qui donne tout son réalisme à l’entreprise. D’ailleurs, pendant le tournage, un adjudant des pompiers de Paris a veillé à la sécurité et était parallèlement conseiller technique, s'assurant que tout ce qui allait être montré à l'écran soit crédible. Seul, un quart des plans a nécessité des effets spéciaux. Un tour de force quand on voit le fourmillement de détails dans les décors, les accessoires, etc. Un spectacle à couper le souffle pour un superbe hommage à nos pompiers et à leur héroïsme qu’on a pourtant coutume de qualifier d’ « ordinaire ».
Ma seule réserve viendra du manque d’incarnation des personnages. Certes, Samuel Labarthe est un vieux routier tout comme Jean-Paul Bordes, et parviennent à faire illusion dans la peu des deux généraux qui ont commandé ce sauvetage héroïque. Mais les Mikaël Chirinian, Gérardo Maffei, et tous les autres ne sont pas très plausibles. Mais qu’importe, on se focalisera sur la splendeur de la réalisation, l’écriture du scénario, - même si on aurait pu nous épargner quelques scories comme le chat de la vieille dame coincé sur les toits… le chat, pas la vieille dame… ou la petite fille et de sa bougie -, les inserts de documents de l’époque qui traduisent admirablement l’émotion planétaire de ce drame et la ferveur populaire à travers ces chants religieux entonnés par des milliers de témoins massés sur les quais de la Seine. Un thriller historique de haute volée.