Le rendez-vous événementiel accordé par Jean-Jacques Annaud (La Guerre du Feu, Le Nom de la Rose, L’Ours, Sept ans au Tibet, Stalingrad, Deux Frères) flamboie de tout part et à raison. La démonstration pyrotechnique qui a ravagé une partie de la voûte, la charpente et la flèche de Notre-Dame de Paris, s’aligne sur une maîtrise technique en plateau, celle du feu, toujours aussi indomptable que destructeur. On nous replonge évidemment dans cette journée de communion et de sauvetage, autour d’un monument qui a longtemps surnagé le cœur même d’une cité, qui se dégrade et qui regarde avec impuissance les flammes investir un sanctuaire sacré, à la fois pour son architecture, ses mythes, sa culture religieuse et historique. L’effondrement est repris avec la même minutie que la chronologie de l’incendie exponentielle, qui a su convoquer plusieurs intervenants au pied du patrimoine français, notamment les sapeurs-pompiers.
Pourtant, ce ne seront pas les personnages principaux avant le dénouement, catapulté dans un souffle épique. L’inflammable et tout ce qui constitue de combustible au drame à venir sont amenés avec une tension intéressante dans un premier temps. Mais ce qui frôle davantage la caméra du cinéaste, ce sont bien sûr les trésors de la cathédrale, qui laissent croire que l’enjeu est en partie symbolique. Hélas, cela prendra une place dominante dans la dramaturgie de la fiction, raccordée sur les faits, les vrais. Et il y a de quoi jouer sur cette authenticité, sur cette urgence, où certains cherchent absolument à sauver une partie de Notre-Dame, même si ce n’est que par un acte de foi. Au-delà du drame montré à l’écran, le spectateur doit se demander si son implication émotionnelle vient directement de la reconstitution, de l’objet cinématographique, ou bien de cette nostalgie, qui s’est lu au premier regard tourné vers les images d’archives, encore fraîches dans nos esprits. Ce qui est généré à l’écran ne récite que la fable du miracle et du courage, choses que l’on comprend, mais qui convoqueront rarement la sensibilité du spectateur.
Entre les split screen, insérant les vidéos amateures tournées par des passants et autres séquences d’archives des médias internationaux, tout est ici pour nous faire revivre l’impact et les épreuves du moment, au plus près des flammes, jusqu’à en devenir le défi technique ultime de ce projet. La proximité avec le danger, dans des escaliers étroits et autour des poutres enflammées, c’est d’abord l’initiative des pompiers que l’on salue, avant de dérouler toutes les valeurs de la profession. C’est alors une démonstration qui mord derrière la ligne d’une campagne de sensibilisation, là où on verrait davantage un hommage. Ce corps de métier sera décoré avec le support d’une caméra au plus proche de l’action, mais ce qui est absent du cadre, ce sont bien des personnages, des humains, que l’on traite avec des enjeux plus complexes que de venir à bout du feu sacré. Ce qui est travaillé comme une fiction présente des contraintes, que l’on juxtapose avec ces mêmes images qui ont circulé sur les réseaux sociaux. Dans la démesure des interventions, nous ne retiendrons que l’efficacité de l’action, au détriment d’une expérience sensorielle plus contrastée.
Lorsqu’il s’agira de prendre des libertés, ce sera au service du patrimoine, mais par le biais de plans aussi grossiers que des gags qui passent encore moins bien la seconde fois. La symbolique religieuse possède ses limites dans l’exercice que mène Annaud avec son « Notre-Dame brûle ». Ce qu’il introduit brièvement entraîne un retour de flamme évident, même lors du sauvetage d’une relique de la cathédrale. Mais ce qui déçoit notamment, c’est bien ce regard niais sur une ville de Paris, immobilisée par l’incident ou simplement au quotidien, jusqu’à illustrer frontalement le dysfonctionnement des réseaux de circulations et alerter sur le moyen de locomotion le plus défectueux à chaque coin de rue. En somme, bien que l’on sache comment l’histoire se termine, il sera moins évident de suivre son cheminement, où le rythme est perpétuellement brisé par des scénettes, faisant fi de preuves factuelles, que l’on a préféré repeindre à l’identique, au lieu d’apporter des nuances. Gilets jaunes et autres enjeux sociétaux ont également été éclipsé par une catastrophe, certes effroyable et pénible à confronter, mais qui perd presque toute la substance narrative qui transformerait cette longue journée en une simple anecdote.