Adam McKay signe la production de ce film, et on peut en sentir le fumet depuis ses cuisines : critique de la société moderne tellement fine qu'on s'étouffe avec, et si l'on a le malheur de vouloir faire passer le morceau en buvant une gorgée de scénario (cuvée post-covid), on se rend compte qu'il a autant de goût qu'un verre d'eau (mince, serait-ce le Delta ?). Dommage, vraiment dommage, car le trio en tête d'affiche nous affriolait les papilles depuis l'affiche dévoilée très tôt, mais force est de constater que si Anya Taylor-Joy continue de nous fasciner, Ralph Fiennes et Nicholas Hoult s'amusent à camper leurs personnages excessifs, on se confronte à un ensemble de personnages plus caricaturaux, on meurt. Le couple de vieux rupins qui s'ennuient, les jeunes entrepreneurs pédants, la star ratée, la critique de cuisine acariâtre et son toutou qui opine du bonnet à chaque argument culinaire qu'elle émet, et évidemment ce couple le plus mal assorti du siècle (la dame à bistrot copieux et le fanatique de cuisine gastronomique - qui nous soûle à chaque phrase, qu'on se le dise). Ce panel semble être la cible parfaite à un film d'horreur régressif où l'on se moque de ses personnages, tant qu'ils meurent bien à l'écran. Sauf que. C'est là que Le Menu nous a le plus déçu : il n'y a absolument rien à bouffer. L'exposition prend des plombes, on se réveille en sursaut à une heure de film quand enfin le premier mort (on ne vous spoilera pas qui) arrive, de façon très prévisible (la bâche... Ce n'était franchement pas nécessaire, un coup de serpillière en suivant, et on aurait gardé la surprise, alors qu'ici on attend en regardant sa montre que la scène-clé arrive...). D'ailleurs, la prévisibilité sera le petit pain qui accompagnera tout le menu, pour saucer sa médiocrité :
le garde-côtes qui a littéralement sous les yeux un homme à la main en sang et au visage tuméfié mais qui demande "Ça va bien, tout le monde ?" (allez, il est des leurs...
Combien de temps on va nous faire croire que ce n'est pas le cas ? Voyons à quel point on nous prend pour des buses...), la bâche (évoquée), le personnage tellement imbuvable de Hoult (vraiment too much
qu'on sait qu'il n'arrivera pas au dessert (et pour ceux qui se le demandent : le steak du cheeseburger, ce n'est pas lui, vous accordez trop de crédit à ce film)
. Enfin, quand on nous demande de raconter l'intrigue, on précise qu'on s'est tellement ennuyé qu'on a certainement fait un autre film dans notre tête avec les éléments présents à l'écran : pour nous, c'est l'histoire d'un gastronome lambda (puisqu'il recevait de bonnes critiques),
qui est devenu maboule pendant le premier confinement
(tous les gros plans sur les books de réservation dans son bureau qui s'arrêtent à 2019... On en a conclu
qu'il a viré dingue et qu'il a préparé ce "Menu Final" pendant qu'il servait au compte-gouttes, sans envie, pendant le confinement...
Oui, on pense aussi qu'on surinterprète, mais on s'est occupé - nous - de faire un scénario à ce film...). Et en digestif, on vous propose toutes les scènes intéressantes (les morts, on vient pour ça) qu'on ne voit pas, franchement ça valait le coup de s'attabler. A l'image des petits plats servis dans le film, Le Menu est visuellement joli, mais y'a rien à bouffer.