Et de sept ! On ne le dira jamais assez mais, depuis que le troisième "Mission Impossible" a renouvelé et posé les bases de ce qu'allait devenir la franchise, celle-ci est devenue sans égale dans le paysage des blockbusters d'action US, cherchant sans cesse à se surpasser de film en film, à l'image de sa vedette Tom Cruise qu'aucune cascade démentielle ne semble pouvoir arrêter malgré les années qui défilent. Et, alors que "M.I.: Fallout" semblait déjà être un condensé du mantra "toujours plus" directeur de la saga, la même question nous taraudait (et encore plus après ce sixième film): comment diable Christopher McQuarrie et l'omnipotent Tom Cruise allaient-il pouvoir surpasser ce qui était déjà un feu artifice ultime à tous les autres "Mission Impossible" ?
Eh bien, la première partie de ce qui sera un dyptique en forme de septième (et dernier ?) opus nous le révèle assez vite. D'abord par l'ampleur de la menace inédite que va affronter l'agent Ethan Hunt, ses agissements se dévoilent lors d'un prologue extrêmement efficace en vue de montrer sa force de frappe inarrêtable et capable de plonger l'ordre mondial dans le chaos le plus complet en moins de temps qu'il en faut à Tom Cruise pour traverser un continent (c'est-à-dire en un clin d'oeil dans le monde des "Mission Impossible") !
Sans en révéler la nature, comment d'ailleurs ne pas voir en la confrontation à un tel ennemi la propre détermination du comédien à privilégier l'échelle humaine, palpable, de ses cascades en s'y investissant personnellement face à une industrie qui cède bien volontiers à la surenchère facile d'effets numériques au risque de s'uniformiser et de sombrer sous leurs poids ? Sans compter les allures de bataille qu'a dû représenter la production d'un tel film pour Cruise en pleine période de Covid-19, au sein d'un système hollywoodien qui tremblait alors réellement pour sa propre survie (son coup de gueule sur le port du masque durant le tournage est resté mémorable).
Ensuite, c'est bien sûr ce facteur humain lui-même qui est mis en avant pour contrecarrer cet adversaire, non seulement par les prouesses littérales de la star mais aussi par ce côté "seul contre tous" de Hunt et de ses collègues, habituel groupe d'agents ostracisés par leurs pairs devenant carrément ici les uniques remparts face à la puissance d'un monstre que tous les esprits avides de pouvoir espèrent dompter sans en avoir les moyens (enfin, la clé en l'occurence). N'oublions pas les failles de l'agent lui-même, qu'elles soient issues d'un passé tragique ou des figures féminines du présent encore plus mises en péril par la toute puissance de cet antagoniste. Bien entendu, les "Mission Impossible" ont toujours chercher à explorer les tiraillements intimes de Hunt au milieu du spectacle offert par ces faits d'armes mais, avec sa menace connaissant tout de lui, "Dead Reckoning, partie 1" paraît franchir un palier dans sa mission toujours plus poussé de malmener son héros sur un terrain personnel.
Et puis, fichtre, on ne peut pas éviter de parler des phases d'action folles du long-métrage, qui écrase au missile nucléaire toute la concurrence récente et trouve même parfois le moyen de tutoyer certains autres sommets de la franchise. Entre son irrespirable virée sous l'eau inaugurale, une chasse à l'homme haletante dans un aéroport, une poursuite tonitruante en voiture dans les rues de Venise, un saut à moto qui restera dans les annales et un vertige ferroviaire comme on en a rarement ressenti au cinéma, "Dead Reckoning, partie 1" fait une nouvelle fois t.très fort en se montrant à la hauteur de nos attentes vis-à-vis de la réputation de la franchise et de son éternel boulet de canon humain Tom Cruise. Quel pied, bon sang, qui redonne à chaque morceau de bravoure son sens noble au terme blockbuster trop souvent galvaudé !
Alors, oui, à force de vouloir faire trop long -en battant un record pour la franchise, 2h43 et ce n'est que la partie 1- ce "Mission Impossible" est peut-être celui dont la durée se fait le plus ressentir, notamment lors de temps morts où les personnages paraissent stagner verbalement pour avoir une illumination bien pratique avant la prochaine opération (bon, ils s'y font toujours quand même piégés à un moment ou à un autre).
Par ailleurs, afin d'enchaîner les péripéties autour de ce qui s'apparente un peu trop facilement à une énorme chasse à la clé que tout le monde se chaparde à tour de rôle (on s'attend presque à voir Passe-Partout débouler aux côtés de Cruise), le film va utiliser absolument tous les trucs, astuces et autres volte-faces de la franchise, au point de ne plus être en capacité de provoquer les mêmes effets de surprise qu'auparavant, faute de nouvelles ficelles à apporter à ses mécaniques de twists désormais bien connus du spectateur (trop de traîtres tue le traître par exemple).
Enfin, il faut bien reconnaître que le statut de première partie de ce septième film amène une certaine frustration une fois arrivé à l'apogée de son récit qui, malgré le nombre impressionnant de cavalcades pour parvenir à mettre la main sur son MacGuffin, nous laisse finalement un peu sur les mêmes bases que ses débuts (avec néanmoins des personnages plus éclairés sur les tenants et aboutissants du futur combat à mener).
Mais, dans l'ensemble, peu importe ses quelques grumeaux, la recette "Mission Impossible" fonctionne toujours du tonnerre, accompagnée d'un riche kaléidoscope de personnages plus ou moins ambivalents pour la soutenir, ceux durablement installés comme les petits nouveaux (Hayley Atwell, Esai Morales et Pom Klementieff sont de parfaites recrues), et continue d'installer durablement la franchise sur l'Olympe des films d'action américains contemporains.
Mais comment diable vont-ils surpasser ce "Dead Reckoning, partie 1" avec la deuxième partie ? Oui, on se pose déjà la question et il est fort à parier que le tandem Christopher McQuarrie/Tom Cruise y apporte des réponses qui nous laissent à nouveau bouche bée. Vivement !