Oui, c’est une histoire complètement dingue, originale et pour ainsi dire jamais vue qui nous est proposée ici. Encore oui, ce film souffle un grand vent de fraîcheur et de nouveauté dans le paysage cinématographique hollywoodien formaté, lassant et aseptisé (et c’est encore une production de A24, la boîte qui monte). Une nouvelle fois oui, cette œuvre est bourrée de qualités indéniables, tant sur le versant narratif que le versant visuel, avec quasiment une idée à chaque plan. Toujours oui, on a droit à une sacrée dose de séquences inimaginables, inattendues et complètement folles, pour certaines d’ailleurs amenées à devenir cultes. Et enfin oui, il est compréhensible que « Tout, partout, tout à la fois » soit générateur d’un gros buzz actuellement et qu’il soit mis aux nues avec un excellent bouche-à-oreille. C’est indéniable et mérité dans le fond, quoiqu’un peu excessif tout de même. Mais surtout oui, il est possible de ne pas l’apprécier... Pire même, de souhaiter que ce film, devenant de plus en plus un calvaire sensitif au fur et à mesure qu’il avance, vienne à vite se terminer.
En effet, il est fort probable que ce long-métrage scinde son audimat en deux. Entre ceux qui vont adorer et le qualifier de chef-d’œuvre et ceux qui vont le détester, passer à côté ou tout simplement ne pas adhérer à cette proposition de cinéma pourtant stimulante et totalement inédite. Une proposition qui ne ressemble à rien, bien qu’elle se veuille ludique mais pas forcément fédératrice et faite pour tous non plus. D’ailleurs, beaucoup de ceux qui n’aimeraient pas risquent de ne même pas se déplacer rien qu’à la lecture du synopsis, ce qui peut expliquer aussi l’emballement général de spectateurs déjà acquis à ce type d’OVNI cinématographique. Avec « Tout, partout, tout à la fois » on est donc dans le domaine de l’inclassable, prenant pour socle le concept du multivers et donc des réalités alternatives. Et pourtant rien à voir avec le Marvel Cinematic Universe. Le film jongle entre comédie, science-fiction, films d’arts martiaux, drame familial et social dans un énorme (près de deux heures et trente minutes) pot-pourri difficilement digérable. En sortant de la projection on a presque mal à la tête avec cet incessant vacarme visuel et sonore. C’est assourdissant, fatigant et cela devient de plus en plus éreintant à la longue. Le film nous met KO et la dernière heure en devient même pénible si l’on n’est pas client.
C’est dommage car le concept est indéniablement bon. Et admirer des actrices de cet âge comme Michelle Yeoh et Jamie Lee Curtis, mises en avant dans de tels rôles et s’amuser dans un film si fou, a quelque chose de jubilatoire. Mais il faut s’accrocher. Le concept du multivers est déjà quelque peu complexe mais ici les Daniel (du surnom de ce duo de réalisateurs s’étant fait connaître avec le tout aussi perché « Swiss Army Man ») ne tentent jamais de la vulgariser. Pire, ils complexifient leur intrigue d’une foultitude de détails et de développements plus ou moins ardus qu’on n’a même pas le temps d’assimiler tellement ils confondent rythme et précipitation. Le film part dans tous les sens mais laisse souvent le spectateur à quai dans ces délires. Pourtant, il y a des scènes géniales, pleine d’idées incroyables voire très osées (on n’en dira pas plus pour laisser la surprise). Mais on ne peut les apprécier à leur juste valeur tellement elles sont noyées dans un fatras et un bruit continuel et perpétuel. On pense par exemple aux séquences avec les pierres, très drôles, ou au premier affrontement plein d’inventivité entre l’itération maléfique de la gamine et des gens de la sécurité. Entre le jeu de rôle et le jeu vidéo, « Tout, partout, tout à la fois » ne lésine pas sur l’action à tel point que l’émotion, pourtant présente, est enterrée sous le poids de cet incessant brouhaha narratif et formel qui confine presque à de l’épilepsie sur grand écran. « Haute tension » passerait presque pour un film du neurasthénique à côté c’est dire! Frustrant de voir une œuvre si originale et maîtrisée dans son propos se révéler presque déplaisante et fatigante à force d’avancées nébuleuses et de ne jamais laisser souffler son spectateur. Pour public averti!
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