Difficile de savoir par où commencer cette critique car « Everything everywhere all at once » est un film indescriptible, in-résumable, qui vous laisse presque hébété à la sortie de la salle. Il faut dire que, dans sa forme, le film des Daniels (Daniel Sheinert et Daniel Kwan, coréalisateurs) fourmille d’audace et de créativité. Tout y passe : humour absurde, voire complètement lunaire, générique de fin au milieu du film, film dans le film, montage psychédélique, décors innombrables et improbables, costumes innombrables et improbables, passages en dessins animés, gros travail sur le son, ce film est une sorte d’expérience de l’extrême. Pour mettre en scène cette histoire de multivers (très nombreux univers parallèles), on peut le faire comme Hollywood et ses super héros, avec des effets spéciaux impressionnant et un scénario cousu de fil blanc, où bien on peut le faire comme les Daniels, c'est-à-dire en prenant à rebours tous les codes du genre, par exemple en confiant le rôle de l’héroïne à une actrice de 60 ans, mal habillée, pas maquillée et qui ne termine pas en autre chose que ce qu’elle est, une femme de 60 ans mal habillée et pas maquillée ! Le film aussi inventif et nerveux qu’il soit, n’est pas exempts de petits défauts, il est trop long déjà (2h20), il y a quelques passages un peu trop bavards et puis il faut bien l’avouer, comme l’intrigue est quand même assez compliquée, le montage hyper nerveux (presque psychédélique) du film nous donne un petit peu le tournis au bout d’un moment ! On ne va pas se mentir, 2h20 à ce rythme, ce n’est pas évident… Mais malgré tout, on reste assez bluffée par l’audace visuelle du long métrage, le côté très irrévérencieux de son humour (qui frise le mauvais gout parfois), l’importance donné à l’absurde aussi (les doigts saucisses). Si on veut, on peut aussi s’amuser à repérer les clins d’œil, ils sont assez évidents (« Kill Bill », « Ratatouille », « 2001, odyssée de l’espace »…), mais sans oublier qu’on n’est jamais réellement dans une parodie. Le film se veut un film d’action d’un genre différent, mais on a notre lot d’effets spéciaux, de combats de kung-fu et de méchant à combattre. Michelle Yeoh campe une Evelyn au bord du burn-out, un contrôle fiscal qui met à mal sa laverie, sa fille lesbienne avec laquelle elle du mal à s’entendre, un mari très gentil mais pas très utile, un père en fauteuil roulant qui arrive de Chine et ne parle pas un mot d’anglais, sa vie est compliquée. Et c’est sur elle que ça tombe : sauver les innombrables univers parallèles en combattant un grand méchant dont elle n’arrive même pas à retenir le nom : pour une seule femme, c’est un peu trop ! Elle est formidable, Michelle Yeoh et elle est remarquablement entouré de seconds rôles très écrits et très bien incarnés : Ke Huy Quan et Stéphanie Hsu dans des rôles où ils peuvent exprimer une large palette de leur talent, et Jamie Lee Curtis comme vous ne l’avez jamais vu ! Tout ce casting, assez resserré, campe beaucoup de rôles très différents, parfois de façon furtifs, parfois un peu plus longtemps, parfois de façon flamboyantes, parfois de façon très sobres, j’imagine que c’est un régal pour un acteur ou une actrice d’avoir ce genre de rôles, ou plutôt cette multitude de rôles. Le scénario, vous l’avez compris, il n’est pas simple à résumer, pas simple à suivre et pas simple à comprendre. Je ne suis pas certaine d’avoir moi-même tout bien compris au film et à cette histoire de bagel géant ! Le film se divise en trois parties, la première et la plus longue (« Everything ») est la plus réussie et la moins « compliquée ». La deuxième (« Everywhere ») est certainement la plus fumeuse et c’est là que j’ai failli décrocher (là c’est vraiment compliqué à suivre) et la troisième (« All at Once »), très courte, sert de conclusion et même de morale au film. La morale, le message quel sont-ils ? Pour ce que j’en ai compris, c’est un message tout simple, presque simpliste à base de tolérance, de gentillesse et d’empathie. Autant le film est subversif dans sa forme et son casing, autant il est désarmant de naïveté dans son propos ! « Everything everywhere all at once » est un film étrange, et je ne sais pas si je pourrais le recommander à tout le monde. Ce qui est sur, c’est que je déconseille aux épileptiques !