Mythe. Nom masculin.
Sens premier. « Récit relatant des faits imaginaires mettant en scène des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d'ordre philosophique, métaphysique ou social. »
Par analogie.« Construction de l'esprit, fruit de l'imagination, n'ayant aucun lien avec la réalité, mais qui donne confiance et incite à l'action. »
Familier. « Chose rare, ou si rarement rencontrée, qu'on pourrait supposer qu'elle n'existe pas. »
Quelque soit la définition choisie, tout me renvoie à ce qu’est ce « The Green Knight. »
Un mythe. Un vrai.
…Et je crois que c’est au fond ce qui me plait le plus en lui.
J’aime ce film parce qu’il a un récit à proposer ; parce qu’il a un imaginaire à offrir ; parce qu’il appelle à questionner le réel et les actes quand bien même s’agit-il là d’une pure œuvre de fiction s’ancrant dans un univers fantasmé.
Et puis surtout, si j’aime tant ce « The Green Knight » c’est aussi parce qu’il est une chose rare : une œuvre de pur cinéma comme moi je les aime tant…
…un cinéma qui entend parler et faire voyager par les sens.
Parce qu’à bien tout prendre, ils sont effectivement bien peu ces cinéastes qui se risquent encore aujourd’hui sur le chemin du conte et de la fable, sur le terrain de la création, de l’imagination...
...Et surtout ils sont bien peu ceux qui osent encore y faire quelque-chose de peu conventionnel.
Alors certes, une fois est-on arrivé au bout de ces 2h10 qu’on est en droit de trouver l’exercice classique dans son fond et basique dans son propos.
Rien de neuf à bien tout prendre… (…quoi que, on va très vite en reparler.)
Mais c’est justement la force du conte que de savoir s’ancrer dans une sorte de gestuelle connue de tous, et cela dans l’espoir justement de parvenir à s’inscrire dans une sorte de continuum intemporel qui traverse les siècles et semble dépasser son propre discours.
Or il y a clairement de ça dans « The Green Knight ».
On sent l’envie de renouer avec la grandeur d’un cinéma d’antan. Ce cinéma qui produit de l’image dans le but d’enrichir l’imaginaire de celui qui le voit.
En cela « The Green Knight » s’ancre clairement dans la droite lignée d’un « Excalibur » de John Boorman.
On sent même qu’il cherche à profiter des quarante ans écoulés depuis pour repousser encore plus loin les limites, notamment celles permises par le numérique.
Et si le film n’excelle pas à ce sujet dans la technique, il a néanmoins de quoi pleinement satisfaire dans l’usage qui en est fait.
Car contrairement aux grosses productions qui se plaisent à jouer de la débauche et de la démontre – au point de tout montrer sous toutes les coutures et faisant ainsi perdre au spectateur tout marge d’imagination – « The Green Knight » a cette intelligence de savoir maintenir ça et là brumes et contrejours, tout en ne se désolidarisant pas de nombreux décors et effets visuels bien physiques.
A ce jeu d’équilibriste-là la réalisation de David Lowery ne sera pas sans rappeler celle du Guillermo Del Toro de « Pacific Rim », mais surtout celui du bien plus majestueux « Labyrinthe de Pan ».
D’ailleurs, cet art de l’estompe et de la texture, Lowery sait aussi le transposer dans sa narration.
Tout n’est pas su et tout n’est pas dit.
Le récit avance sans savoir où mais tout en sentant qu’il va bien quelque-part…
…Une sensation qu’avait déjà su générer en moi le précédent film de l’auteur : « A Ghost Story. »
Alors certes, on pourra malgré tout reprocher à Lowery de ne pas avoir su toucher une certaine forme d’absolu dans sa démarche.
Il arrive en effet parfois qu’il mette un peu trop de lyrisme dans sa forme tout comme il lui arrivera à un moment de délivrer un peu trop d’éléments de décryptage sur sa démarche au point que ça en évente en partie son charme mystique...
Par exemple l’explication cryptique donnée par Alicia Vikander avant de laisser aller Gauvain rejoindre le chevalier vert se révèle assez au fond assez limpide.
Le vert dont elle parle y est trop assimilable à la nature quand le rouge peut être plus spontanément associé au désir de toute puissance de l’Humain.
Dès lors la quête de Gauvain / Dev Patel devient-elle trop limpide au point d’apparaitre comme presque simpliste : à rechercher la gloire et la renommée, à se laisser tourner la tête par le désir d’immortalité symbolisés à la fois par le portrait et le ceinturon de tissu, à prendre l’aide apportée sans reconnaissance et à ne la donner qu’en la monnayant contre une réciprocité, l’humain s’engage sur un chemin d’une vie damnée qui, non seulement l’éloignera de ce qui était susceptible de lui apporter un vrai plaisir et une vraie félicité, tout en n’empêchant pas de se retrouver confronté face à ce qu’il cherchait pourtant à éviter : la mortalité, le destin ordinaire et l’oubli.
Sitôt le code est-il donné – trop tôt qui plus est – que la magie a moins opéré sur moi, comme lors d’un tour de magie trop vite compris.
Néanmoins ces quelques reproches que je fais relèvent clairement du chipotage, tant j’apprécie en contrepartie de constater à quel point la démarche qui anime ce ***The Green Knight*** se révèle au final totalement cohérente et pertinente.
C’est juste que je ne peux m’empêcher de sentir une certaine frustration à voir une œuvre aussi audacieuse être capable de s’approcher si près d’une certaine perfection de forme et de fond sans parvenir pour autant à l’atteindre pleinement…
…Et c’est un brin rageant.
Malgré tout – et à bien tout considérer – cela ne retire finalement pas grand-chose au grand bien que je pense de ce « The Green Knight »…
Car ce film est l’expression d’un cinéma trop rare, trop généreux et trop sublimé pour que je ne puisse pas m’y retrouver ; pour que je puisse pas m’enthousiasmer…
…Pour que je ne puisse pas y voir là un mythe somptueux dans sa plus pure expression.
D’ailleurs, comme tout bon mythe, « The Green Knight » est clairement le genre de film que je me reverrai certainement dans un an, dans dix ans voire même dans vingt, sans que j’ai le sentiment qu’il n’ait perdu quoi que ce soit de sa dimension intemporelle.
Peut-être même qu’à l’avenir on saura le découvrir comme on découvre encore aujourd’hui un « Excalibur » ou un « Labyrinthe de Pan », c’est-à-dire comme une œuvre magique parce que singulière : touchante parce que maitrisée : marquante parce qu’osée.
…En tout cas voilà bien là le genre de rareté dont je ne me lasserai pas.
Merci donc à David Lowery pour avoir su rajouter un peu de mythe à notre triste cinéma.