Je commencerai par saluer la prestation d’Olivier Gourmet. Frank, un cadre supérieur dans une compagnie de fret maritime va ordonner un acte criminel :
jeter un clandestin à la mer
. Un acte « altruiste », nécessaire, inévitable, selon lui, pour éviter un surplus financier qui plongerait son entreprise dans la crise. Seulement son entreprise ayant appris sa décision choisit de le licencier anticipant tout scandale s’il venait à être connu des médias. Je me garderai bien de vous dévoiler l’issue de cette ordre donné par Frank. Le commandant du cargo a-t-il exécuté l’ordre ? Toujours est-il, Frank le bourreau, comme à l’image du clandestin, s’est vu débarquer soudainement de son entreprise. Antoine Russbach, le réalisateur, sous-entend par la voix de Frank, que ce genre de pratique dans les compagnies de fret maritimes relèverait du possible. Ça fait froid dans le dos, d’autant que Frank parle d’hypocrisie à ce sujet. Donc, une pratique qui ne se conjugue pas au conditionnel ! Au-delà de ce tabou évoqué, c’est l’environnement familial qui m’a aussi marqué. Olivier Gourmet a su traduire, dans ses longs silences, la frustration, la colère sourde suite à "l’injustice" de son licenciement ; ses nombreuses réflexions intérieures quant à son éventuelle culpabilité ; et ce qui est fort, le spectateur que je suis, ne suis pas convaincu que Frank ressent réellement de la culpabilité ! Frank semble persuadé d'avoir bien agi, d'avoir agi pour le bien de son entreprise. Antoine Russbach a su de son côté traduire l’immense solitude de Frank au sein de sa cellule familiale. Ce n’est pas tant que sa famille, femme et cinq enfants, vaque à ses affaires comme s’il n’était pas là, c’est l’incapacité de Frank à vivre dans cette famille en dehors des heures de travail. Frank ne sait pas ne pas travailler. Il n’est pas à sa place quand il est à la maison. Bien sûr, il a sa place avant d’aller au travail, après son travail, pendant ses congés, mais il ne semble plus exister pendant cette période d’inactivité. Et ce d’autant plus que sa femme se détourne de lui après sa confession. Plus que jamais, cette figure patriarcale, taiseuse, est seule. A cela s’ajoutent ses enfants qui, à l’exception de sa petite dernière, se montrent capricieux et égoïstes. Un des fils lui fait comprendre cruellement qu’il est hors de question de changer de vie, sous entendu, son père doit se bouger pour continuer à maintenir un train de vie très confortable et privilégié. Comme pour son entreprise, Frank veut éviter la crise, l’effondrement de sa famille, alors il signera un nouveau contrat de travail, lequel me confirme qu’il est animé d’aucun sentiment de culpabilité.