Je ne sais pas si le film que l’on voit le Jour de l’An donne le ton pour toute l’année cinéma. Mais si c’est le cas, alors 2020 ne démarre pas mal ! Adapté d’un thriller que je n’ai pas lu (comme ça le suspens reste entier), « L’Art du Mensonge » est un film noir un peu atypique. Bill Condon livre un long-métrage très honnêtement réalisé, filmé de façon très académique, accompagné d’une musique un peu fade mais qui au moins, n’appuie pas trop les effets dans les moments de suspens. Le film comporte
deux flash back assez inattendus, qui se déroulent à une autre période et dans un autre pays, et dans lesquels résident tout le noeud de l’intrigue.
Ne connaissant pas le roman, je ne m’attendais pas à ce que le scénario prenne cette voie, parce que peu d’indices auraient pu me mettre la puce à l’oreille pendant tout la première heure. Le film ne tire pas en longueur, il passe bien et nous offre même une scène assez terrible dans le métro londonien. Cette scène, assez courte, en dit plus long sur le personnage de Roy et son absence de scrupule que tout ce qui a précédé. Je ne reprocherais à Bill Condon qu’un petite chose : il évente un petit peu le suspens du scénario avec quelques effets un peu appuyés, ce n’est pas grand-chose, quelques regards qui durent un demi seconde de trop, sa caméra qui reste un tout petit peu trop sur un visage,
un tableau
, ou un détail qui finit par mettre le spectateur sur la voie. Quant on filme un thriller il faut savoir qu’on s’adresse souvent à un public rompu aux rebondissements et bien plus malin qu’on ne le croit ! Ce qui est plutôt intéressant dans « L’Art du Mensonge », c’est que les deux premiers rôles sont tenus par des acteurs d’un âge certain et qu’il n’est pas fréquent de les voir tous les deux dans ce genre de registre. Helen Mirren tout d’abord, en veuve délicate, toujours évasive sur son passé et qui, de premier abord, semble avoir suffisamment bon cœur pour être la victime parfaite. Ian McKellen, monstre sacré du cinéma britannique, trouve ici un rôle de monstre tout court. Il ne paye pas de mine, semble fragile au point de se casser mais ses actes, ses paroles sont celles d’un type sans vergogne ni scrupule, que l’appât du gain rend terriblement dangereux. Les deux comédiens, qui n’ont plus rien à prouver, sont parfaits. Et ils sont appuyés de deux seconds rôles intéressants, Russel Tovey en petit-fils méfiant et protecteur (on le croirait presque hooligan avec son bombers et ses cheveux ras mais cet étudiant en Histoire va être un sacré cailloux dans la vieille chaussure de Roy !) et Jim Carter en complice. Ce dernier s’éloigne pour un temps de son rôle de majordome old school de « Downton Abbey » et ça fait super plaisir de le voir dans un registre plus moderne. Mais comme on est dans un thriller à rebondissement, le personnage principal du film, c’est le bien le scénario. Fonctionne-t-il à plein ? Je dirais plutôt oui. Comme je l’ai dit, on se doute bien que Betty n’est pas la victime parfaite que Roy suppose et que quelque chose va arriver et gripper son plan.
Mais comme on a à faire à un vieil escroc, on pense pendant un long moment que le boomerang va venir de quelque part dans son récent passé d’escroc. Or le rebondissement arrive par un tout autre chemin, le scénario nous cueille comme une fleur, en quelque sorte !
La surprise n’est pas ébouriffante, mais elle fonctionne malgré tout et surtout, elle est morale et crédible. Il ne faut pas trop en dire pour ne pas dévoiler le suspens à ceux qui ne connaissent pas le roman. Jusque dans ces dernières minutes, le film laisse un peu le spectateur sous pression, et même la toute dernière scène est importante. Elle est en apparence anecdotique mais elle montre de façon toute simple et limpide la blessure mal cicatrisée de Betty.
Cette femme, qui a connu le pire, n’en est pas sorti indemne malgré le temps qui a passé, même si elle est aujourd’hui belle, fortunée et aimée, elle ne sera jamais réellement guérie
. D’aucun trouveront peut-être le scénario tiré un peu par les cheveux et les rebondissements un peu exagérés. Peut-être, mais moi je me suis laissée surprendre et embarquer dans l’histoire. Sans être un chef d’œuvre du genre, « L’Art du mensonge » est un bon thriller efficace et bien troussé, et c’est plutôt une bonne façon de commencer l’année cinéma 2020