Difficile d’affirmer une régularité chez le réalisateur américain Bill Condon, qui est passé par la case Hollywood, en laissant derrière lui des surprises comme “Ni Dieux Ni Démons” et le récent “Mr. Holmes”. Il revient néanmoins avec une nouvelle adaptation, celle du roman de Nicholas Searle, mettant en scène une arnaque du troisième âge et régie par le mensonge. On ne peut faire plus traditionnel dans l’aspect théâtral des choses et il fallait donc rendre crédibles les échanges pour que la dernière des vérités l’emporte sur l’ensemble du récit. Mais prenons garde, car il ne s’agit pas d’une comédie à l’image d’un blockbuster, saturé en protagonistes ou en extravagance. Ici, on mise sur l’élégance et la courtoisie britannique pour débattre sur une piste nostalgique.
Roy Courtney et Betty McLeish, respectivement et magnifiquement campés par Ian McKellen et Helen Mirren, sont deux personnes qui ont a priori une dépendance cachée. Et faute d’amour et de reconnaissance, certains vices dépassent rapidement leurs attentes. Le schéma est bien connu, quand bien même Roy nous est présenté comme ce génie de l’arnaque et qui se fera rattraper par son ego. En jonglant entre plusieurs personnalités en guise de camouflages, l’exercice possède pourtant des limites dans l’intrigue. En face, Betty illustre la veuve facile et opportuniste. Mais il est bien évident que son jeu cache des secrets, dont on ne prend pas forcément le temps de nous décrire tout le long du périple. On préférera attendre l’ultime confrontation afin de rendre le suspense plus saignant. Malheureusement, le spectateur aussi courageux ou curieux soit-il, s’est déjà fait larguer dans une prison temporelle, dont on négocie mal le virage.
Si le scénario tire dans la complexité, les tenants et aboutissants ne sont pas une garantie de qualité, notamment lorsque l’on franchit la frontière européenne. La fibre historique interrompt brusquement le récit pour un détour anecdotique. Même dans son élan romanesque et du thriller qui essaye de poser ses arguments, on finit par se perdre dans un espace sentimental, dont il serait difficile de partager la vision du metteur en scène. Il semble nous présenter un jeu de piste qui a du mal à décoller et cela se ressent sur une bonne heure, avant d’avoir un peu plus d’intérêt, s’il en reste, car au-delà des dialogues qui font peine à regarder, les révélations se déversent presque sans entonnoir et sans la tension promise.
“L’Art du Mensonge” (The Good Liar) est loin d’être le film qui réécrit l’arnaque au cinéma, mais il est constamment salué par la performance des deux comédiens vedettes. Il bloque sur cette sympathie à l’égard des personnages, dont la noirceur n’est pas assez bien représentée pour qu’on y croit ou qu’on s’investisse pleinement. La relecture du méchant ne réside pas dans cette noblesse, mais dans un charme que l’on capte bien par moments, mais que l’on dilue le temps d’une balade commémorative, ne servant pas correctement l’axe premier du mensonge. C’est ce qui fait la différence avec le tour du lapin sorti du chapeau, il manque ce chapeau...