Titre très explicite, "Les Invisibles" montrent celles dont on ne parlent pas, qu'on ne montrent pas, qu'on ne veut pas trop voir. Ces femmes, seules, victimes de la précarité, qui passent inaperçues malgré leurs sacs de supermarchés remplis de leur propre vie, qu'elles trainent tant bien que mal dans ce foyer d'accueil, leur seul point de chute qui les raccroche à une vie sociale. La force de ce film est de rendre visibles ces femmes pour ce qu'elles sont: des êtres humains, avec leur peine et leur joie, non pas par ce qu'elles ont vécu et ce qui les ont amené à cette précarité, juste par ce qu'elles sont réellement et sans être jugées. L.-J.Petit joue adroitement des codes du documentaire et de ses acteurs non-professionnels pour authentifier ce qu'il filme. La véracité qui en ressort est poignante. Et le non-jugement de l'ensemble montre et nous fait partager sans tabou des rires et des pleurs sans misérabilisme. La réunion au casting de A.Lamy, C.Masiero et N.Lvovsky, qui ont déjà joué dans ce registre social, renoue avec cette jolie sensibilité et rythme qu'on leur connaissaient. Maintenant, si l'approche réaliste est parfaite dans la description des personnages, le scénario de la fiction n'est pas très crédible: que ce soit dans le dévouement maladroit de ses professionnels sociaux, comme le dénouement des situations un peu trop gentil et naïf, il est dommage que cette volonté de décrire du réel soit plombée par une histoire et de situations qui ne tiennent pas debout. C'est donc l'humanité générale qu'on retient de "Les Invisibles", celle qu'une caméra fait le choix brut et sans filtre de montrer, filmant des personnes plutôt que des personnages, des tranches de vie empreintes d'une juste empathie.