Les Gaulois de Goscinny et d’Uderzo font à présent parti du patrimoine français, eux qui se sont réapproprié le « far west » national, selon leurs dires. La galerie de personnages est autant une invitation à se rapprocher des archétypes du quotidien que les influences d’une Gaulle pleine de ressources. L’impulsion de Claude Zidi a permis le triomphe d’Alain Chabat, pour sa « Mission Cléopâtre », entre le star talent et autres apparitions prestigieuses, venues en découdre avec nos héros gaulois, avant que la magie ne s’éteigne dans les prises de vue réelles qui ont suivi. Il y avait donc de quoi questionner la pertinence de cette nouvelle fantaisie, tombée dans les mains de Guillaume Canet, avec l’aval d’Anne Goscinny sur l’en-tête du contrat. Côté animation, on se prend sans doute moins le chou, mais toute adaptation réussite aura eu la noblesse de trouver l’équilibre entre les planches en papier et le burlesque vaudeville.
Hélas, nous sommes bien loin d’une telle prouesse, tandis que l’équipe de Canet ambitionne de conquérir une dynastie qui refuse la soumission. On retrouve ainsi le trio iconique, qui doit justifier une transparence pour les lecteurs et pour satisfaire le regard neuf, voire sceptique, d’une nouvelle audience. Pour autant, le cinéaste n’assume pas ses possibilités et ne fait que retourner les cartes déjà jouées dans les contrées égyptiennes. Le renfort des Gaulois permet des rencontres tantôt amusantes, tantôt anecdotiques, mais jamais il ne parvient à caractériser la culture asiatique par l’image. Les citations au « Tigre et Dragon » ont déjà eux leur moment de gloire dans un film qu’on aura de cesse de comparer pour sa générosité et sa créativité. La rigueur de Leanna Chea ou de Julie Chen ne font que donner du contraste dans un voyage aux mille et un détours. On semble constamment pris au piège, au crochet d’une œuvre qui a laissé des traces dans la culture populaire. Vouloir imiter ce succès ne fait que le rapproche de sa perte et ce sabotage ne peut qu'empirer.
Gilles Lellouche et son compère Canet ne semblent pas forcément dans leur assiette, dans un registre qui dépend davantage de la gestuelle que d’un bavardage intempestif. Ce qui déçoit par ailleurs, c’est toute l’alchimie qui est censée régner entre Astérix et Obélix, alors on confond amèrement l’amitié et la justification de cette complicité dans un flashback, qui n’avait aucunement besoin d’illustrations. Tout cela est également parasité par Jonathan Coen, qui occupe beaucoup trop de place dans un récit qui vante le buddy-movie, mais qui s’égare dans une succession de micro-sketches, à peine réjouissante sur le moment et à peine mémorable à la baisse du rideau. Que reste-t-il donc des valeurs gauloises, hormis la cervoise, trop bien accompagnée d’un bout de gras pour être validé par le petit moustachu ? Ce questionnement est noyé dans une marée d’informations sans fil rouge pour le guider. En dépit d’un Astérix qui remet en cause sa boisson énergisante, au détour d’une romance que l’on ne sait plus provoquer sans une partition idyllique en fond, Canet ne semble pas tenir compte des limites d’une formule essorée, répétitive et son écriture en pâtit inévitablement.
« Astérix et Obélix - L'Empire du Milieu » n’hésite donc pas à revisiter la recette de la potion magique pour y puiser le parti-pris comique qui devrait en faire sa force. Malheureusement, il n’a de cesse de se reposer sur un défilé de stars, passifs, inoffensifs et intouchables, pour combler les lacunes scénaristiques ou pour se donner une chance de maintenir son tempo burlesque. Le film échoue à chacune de ces étapes, non pas qu’il soit nécessaire d’imposer de longues tirades en compensation, mais tout sonne creux dans cette aventure sans queue ni tête. César ne sent ni le laurier doré ni un semblant d’empereur déchu. Il n’est que le symptôme d’une mauvaise communication, qui ne fait ni chaud ni froid, quand sonne l’heure des festivités, qui s’étirent et qui démontrent une totale incapacité à conclure correctement. Le plaisir de renouer avec nos amis gaulois est de bonne guerre, mais bafouer l’héritage des auteurs ne constitue pas le meilleur des alliés pour la suite.