3sur5 Transposition romancée de la ''guerre des eaux'' de Los Angeles dans les 30's, Chinatown y inclut une petite troupe de manipulateurs de haut-vol (dont Polanski lui-même dans un petit rôle) et un enquêteur sous les traits de Jack Nicholson, campant un personnage élégant et un peu fanfaron, une sorte de flâneur viril. Très moral et prudent d'habitude, ce détective privé souvent cantonné aux petits complots de couples et autres infidélités, se laisse entraîner vers une affaire beaucoup plus complexe et dangereuse.
Le début est un peu laborieux et il faudra attendre l'entrée de Faye Dunaway pour la machine se lance. Ces deux monstres sacrés sont la véritable attractivité de ce film trop poli ; sans eux, le spectateur, surtout s'il n'est pas un aficionado du registre, ne manquerait pas de sombrer dans la passivité la plus totale, voir carrément de lâcher l'affaire.
Car si le récit est dense et calibré, en-dehors de révélations particulièrement scabreuses, Chinatown déçoit par son manque d'audace. On le regarde avec plaisir, il a ''la classe américaine'', mais c'est un parangon de cinéma carré, presque frigide, ou rien ne dépasse ; Polanski suit sagement son scénario (pourtant co-écrit avec l'auteur de Bonnie & Clyde) et ne laisse échapper aucune étincelle. Il reprend les codes des classiques des 40's pour les restituer dans un emballage neuf, avec un couple de guest stars glamour et puissantes, mais Chinatown ne se démarque jamais ni de ses modèles en particulier (qu'il va jusqu'à citer avec le caméo de John Huston - réalisateur du Faucon Maltais) ni de son genre en général. C'est du bon travail, mais nous plus à faire à un héritier qui a su assimiler les recettes de ses ancêtres qu'à un modèle qui aurait illuminé et donné un second souffle au film noir. Dans ces conditions, le succès d'estime du film n'en est que plus étonnant. Ce n'est pas que le film est mauvais, surtout pas, mais y aurait-il hallucination collective ou bien les 11 nominations aux Oscars et ce consensus général ne sont-ils pas la preuve que c'est bien de tout de temps qu'a dominée la prime à l'académisme ?
Pour l'anecdote, notons que ce Chinatown, dont Jack Nicholson tournera une suite en 1990 avec son Two Jakes, est le dernier film américain de Polanski avant sa fuite en Europe, alors qu'il marquait son retour en grâce après plusieurs échecs commerciaux consécutifs. Il réalisera alors dans les années suivantes l'un de ses chefs-d'oeuvre, Le Locataire, avant que ne s'ouvre des 80's ou il sera peu prolifique au cinéma.
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