Sincèrement, cette note me peine presque. Parce que « Le Traître », c'est quand même un bon film. À 80 ans, Marco Bellocchio confirme qu'il n'a rien perdu de sa maîtrise et a peu d'égal aujourd'hui pour s'emparer de l'Histoire de son pays à travers des périodes, des événements le caractérisant au plus haut point, en l'occurrence le premier « repenti » de la Cosa Nostra, à travers un récit fleuve se déroulant sur plus de deux décennies. Pas mal de scènes et de moments forts, filmés avec beaucoup de précision, le cinéaste montrant une vraie capacité à imaginer des situations, des décors, des « personnages » ayant manifestement beaucoup d'allure et de personnalité, confortés par l'écriture très précise des dialogues. Enfin, celui-ci peut compter sur une interprétation de premier ordre, l'excellent Pierfrancisco Favino en tête, entouré par de vraies gueules de cinéma, pas loin d'évoquer un certain âge d'or italien, notamment lors de cette scène assez dingue du Maxi-Procès, où l'auteur des « Poings dans les poches » se rappelle aux plus belles heures de Francesco Rosi ou Elio Petri. Malheureusement, certains aspects m'empêchent d'être vraiment enthousiaste. D'abord, même si la dimension « fresque » historique pourrait les justifier, 2h30, c'est vraiment long. Difficile d'échapper à l'impression de répétition, et sans que certaines séquences soient réellement inutiles (quoique), on a plusieurs fois l'impression que cela va se terminer, pour finalement continuer, parfois longuement. Plusieurs passages semblent s'étirer ad vitam aeternam, au point de frôler l'ennui. Également trop de personnages, si bien qu'on a souvent du mal à les identifier, à se souvenir de leur rôle précis au sein de l'organisation, la relation qu'ils avaient avec Buscetta... Si Bellocchio a la science de la mise en scène, je suis moins convaincu par sa science du récit, cette complexité, aussi virtuose soit-elle, nous perdant à plusieurs reprises, me demandant parfois un réel effort de concentration sur le pourquoi du comment. Maintenant, il y a de l'ampleur. Cette absence de linéarité, ce retour à une dimension éminemment politique dans un pays qui a sans doute eu le plus grand cinéma dans ce domaine est à saluer. Une œuvre de qualité, à laquelle on peut ne pas être sensible par son approche scénaristique et son caractère presque nébuleux dans sa profusion de protagonistes difficilement discernables, mais ayant le grand mérite d'offrir un spectacle digne de ce nom et quelques scènes de premier ordre : de quoi justifier le détour.