Woman at War, c'est le récit d'une Islandaise aux idées fortes. Halla a un portrait de Gandhi et un autre de Morgan Freeman dans sa maison, elle sait tirer à l'arc, camper seule dans les montagnes et saboter le réseau électrique de la moitié du pays. Ses actes vont mettre l'économie islandaise au bord du gouffre, menaçant ses contrats avec la Chine et obligeant à en appeler aux moyens des amis américains. Tout cela fait d'elle un personnage-clé dans le paysage économique mondial.
Prétentieux, superficiel, ridicule ? Rien de tout ça. C'est juste Erlingsson qui s'amuse à dépeindre l'Islande comme un pays contradictoire : tout fragile et charmant, mais aux mains de Vikings restés très forts. Car Vikings ils sont, et pas seulement Halla : déterminés, efficaces en tout et humains juste comme il faut, ils font tous honneur à leurs ancêtres et Erlingsson ne fait que démontrer sa propre légitimité en réalisant ce bijou. Ses fantaisies ne sont risibles que parce que la réalité leur a donné une raison d'être ; dans le film, elles sont un concentré de saveurs.
Souvent absurde et très naïf, Woman at War n'a aucun mal à prendre les problèmes de la société islandaise à bras-le-corps sans s'en moquer. C'est par exemple avec humour qu'on met en scène le touriste hispanique servant de running gag en sa qualité de victime récurrente aux interventions policières. Quant au micro-orchestre qui suit Halla partout (chapeau à la logistique, d'ailleurs), ses notes saccadés au tuba sont là pour nous rappeler que c'est un film surréaliste et que c'est de là que l'œuvre tire ce qu'elle a de plus drôle et de plus pittoresque.
Pittoresque : encore une épithète qu'il est important de ne pas prendre du côté péjoratif. Comment toutefois désigner autrement la manière que le réalisateur a de recycler le thriller à la mode islandaise ? Il n'y a que le petit pays scandinave pour être le berceau d'une scène aussi sérieuse qu'adorable où une source chaude permet d'arranger un problème d'hypothermie : c'est horriblement pittoresque et pourtant anti-touristique à l'extrême, car ce n'est pas en voyageant physiquement dans le pays qu'il peut revêtir de tels atours compassionnels et exotiques.
Tout cela, c'est encore sans compter sur les magnifiques images (oui, c'est clairement l'argument le plus nul que je puisse donner sur un film islandais) et le conflit intérieur que Halla va vivre en soupesant tour à tour ses idées révolutionnaires et celle d'adopter une petite fille. Bref, Woman at War est encore une preuve s'il en fallait que la créativité n'a pas de limites, qu'on peut concilier divertissement, patrimoine et nouveauté, et que l'Islande n'a pas fini de surprendre pour d'autres raisons que sa seule iconicité du monde viking.
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