Y a-t-il encore quelqu'un qui doute du talent de Steven Spielberg ?
Dans "The Fabelmans", il revient, avec une grande sensibilité, sur son enfance, la vie tourmentée de sa famille ainsi que la naissance de sa vocation
Nous suivons le jeune Sammy Fabelmans, 6 ans, vivant avec toute sa famille dans l'Arizona. Le film débute sur une magnifique scène, où les parents rassurent le garçon effrayé à l'idée de se retrouver dans cette grande salle de cinéma, dans le noir et face à de larges écrans. Chacun tente de l'apaiser, la mère en lui affirmant que "movies are dreams" et le père en lui démontrant par une explication rationnelle et scientifique qu'il n'a pas à avoir peur. (Une manière aussi, dès le début du récit, de marquer la rupture entre les deux états d'esprit séparant les membres de la famille : "les scientifiques contre les artistes"). Une scène de train qui déraille dans "The Greatest Show On Earth" laissera Sammy tétanisé, et mutique, au point que ses parents regretteront même de l'y avoir emmené !
Ce qui est intéressant ici, c'est que l'on place le cinéma comme le déclencheur d'un traumatisme plus que comme celui d’un émerveillement. Certes, le reste du film nous prouvera que les deux ne sont pas incompatibles. Là où Stanley Donen, Damien Chazelle ou Quentin Tarantino décrivent une immédiate exaltation, Spielberg préfère montrer un choc. C'est donc en reproduisant la scène du train que Sammy pourra guérir de son traumatisme et avancer. Cela sera son premier emploi de réalisateur, qu'il effectuera avec les encouragements de sa mère, dans la buanderie de sa maison. En réalité, on assiste à la naissance d'un amour et d'une passion (presque obsessionnelle) pour le cinéma qui se poursuivra toute une vie durant.
Il donne à voir de magnifiques scènes familiales : une chasse à la tornade, une danse dans un camping, une discussion animée avec un oncle haut en couleurs (interprété par Judd Hirsch...).
Steven Spielberg montre ici ses blessures, ses failles, ses doutes et les tourne en source d'inspiration (oui car si vous n'aviez toujours pas compris: Sammy c'est évidemment lui). Il en fait un film dédié au cinéma ainsi qu'à ses parents, rempli d'émotions et de sensibilité. Mais là où d'autre en font des "célébrations" et des "spectacles", il préfère un cadre intimiste, émouvant, et personnel. Il est vrai que le film reste romancé et peut être interprété comme une "psychanalyse du couple durant 1h30" pour certains. Je cite le Masque et la Plume qui en parle mieux que moi, car ce qui semble bloquer Sammy Fabelmans, c'est que "Maman aurait PEUT-ÊTRE embrassé quelqu'un d'autre que Papa" (dixit Xavier Leherpeur). Ce point ne m'avait pas tant gênée que cela, car même si d'autres aspects auraient pu être privilégiés, je comprends le choix du réalisateur et ce thème donne lieu par la suite à de très beaux moments, ce qui contrebalance avec la surabondance de références à cet événement de sa vie.
Au cours du récit, le protagoniste peaufine son style, passant des courts-métrages de westerns aux... westerns, usant de stratagèmes et d'inventivité pour faire naître à l'écran des histoires toujours plus réalistes. Il est encouragé par son entourage qui organise des projections pour y passer ses films (l'engouement lors du bal de promo, lui par contre, n'est pas très réaliste mais passons).
The Fabelmans, c'est le récit d'une adolescence, de la recherche d'un équilibre *entre le réel et la fiction, papa et maman...*, mais aussi d'une passion dévorante. Plus qu'une envie, Sammy évoque le besoin irrépressible de faire des films et d'interpréter, de sublimer le monde qui l'entoure. Telle une thérapie, la réalisation deviendra sa manière de faire face aux événements de sa vie, du divorce de ses parents à son harcèlement au lycée: s'il contrôle le contenu de ses films, alors il contrôle sa vie.
Le jeune Gabriel Labelle, qui interprète Sammy F, est une révélation. Son jeu est très juste, et son personnage est attachant, tout comme celui de la grande sœur et du père.
C'est un film que je vous recommande grandement d'aller voir, et se place d'ores et déjà dans mon top de l'année ! Il n'est pas impossible que vous pleuriez avant même la quinzième minute😅😏 !