Un insupportable et interminable pensum boursouflé et prétentieux. Et qui sonne faux d'un bout à l'autre! Vous me direz: la parole de Marguerite Duras sonne faux, de toutes façons. Non, à la lecture, cette étrange langue avec sa syntaxe hachée et ses redites produit une sorte de fascination hypnotique qui fait que, même si on n'est pas très fanatique de Marguerite Duras, on salue en elle l'Auteur, le créateur d'univers. Difficile de rester indifférent au Vice-consul ou au Ravissement de Lol V. Stein..... Qu'en reste t-il ici? Rien.
Une première erreur est le choix de Mélanie Thierry. Je l'aime beaucoup, cette excellente actrice! Mais elle est pleine, athlétique, terrienne, quand la Marguerite d'alors était un petit bout de femme fragile, maigrelette -ça ne colle pas!
Donc, Robert Antelme, le mari de Marguerite, résistant dans le réseau Morland (i.e Mitterand, bien interprété par Grégoire Leprince-Ringuet) est arrêté par la police française au service de la Gestapo. Elle cherche désespérément à le retrouver, puis quand elle apprend qu'il est parti en camp de concentration, sombre dans le désespoir, ne sort plus, ne mange plus, ne se lave plus (même son amant trouve qu'elle pue, c'est dire!). C'est que, eh oui, la presque-veuve inconsolable est en même temps la maîtresse du meilleur ami (forcément) d'Antelme, Dyonis Mascolo (Benjamin Biolay aussi inintéressant en tant qu'acteur qu'en tant que chanteur....). Bizarrement Emmanuel Finkiel floute cet aspect de la biographie (c'est vrai qu'il est très gênant....). Dyonis apparaît plus comme une sorte de grand frère protecteur que comme celui avec qui Marguerite veut désormais vivre et avoir un enfant.... Et là, comme je n'hésite jamais à faire de la psychanalyse de sous-préfecture, j'ai une théorie: si la douleur de Marguerite n'était autre qu'une révolte de son Surmoi contre un sentiment diffus, honteux, souterrain, réprimé chuchotant que la disparition d'Antelme serait en fait une façon commode de régler les problèmes de sa vie sentimentale... Ah, elle deviendrait sublime, forcément sublime, la Marguerite! Mais dans le film, on s'en tient à d'interminables plans sur la nuque de Mélanie regardant au loin à travers les vitres, sur le nez de Mélanie rougi par les larmes...
Marguerite est entrée en relation avec Pierre Rabier, l'inspecteur qui a arrêté Antelme, et qui joue avec elle au chat et à la souris. Benoit Magimel, excellent, est presque le seul élément intéressant du film. Forci (on est loin du marmot du Long fleuve tranquille mais il ne faudrait pas non plus qu'il vire Depardieu!), il impose sa présence inquiétante.... jusqu'à ce qu'il disparaisse du scénario. C'est un salaud assumé, on peut supposer qu'il a choisi le camp de la collaboration non point tant par idéologie que parce qu'il s'imaginait que ce serait le camp des vainqueurs. Mais son désir pour Marguerite (et son amour de la littérature) est une des rares choses qui sonne vrai dans le film. Car oui, le salaud rêve d'ouvrir une librairie, et chez cette femme qu'il s'imagine pouvoir acheter, c'est au moins autant l'écrivain que la jolie femme (elle était jolie à ce moment là...) qu'il désire.
La fin évoque l'insupportable attente des familles de déportés et cela, oui, est très émouvant. Ces camps se libérant, petit à petit. Ces retours, si lents, et jamais programmés. Pourquoi X... est il revenu, et pas Y...., alors qu'ils sont partis en même temps, et au même endroit? Et ceux qui revenaient,méconnaissables. Terrible.
Mais une séquence intéressante et un personnage ne font pas un film.