Adaptation soignée et émouvante d’un roman de Duras, le film bénéficie d’un travail technique impeccable, d’un jeu d’acteurs sans failles, d’une reconstitution saisissante de la Libération, et du beau texte de Duras en voix off. Même si on attendait plus d’audace d’Emmanuel Finkiel, le métrage est donc recommandable et reste fidèle à sa thématique de la mémoire de la Shoah et du mouvement spatial des peuples.
On peut distinguer deux mouvements dans le film de Finkiel, qui se complètent tout en s'opposant. Il y a tout d'abord une composante un peu traditionnelle, pas inintéressante pour autant, celle de la chronique historique : malgré une indéniable économie de moyens, "la Douleur" nous plonge de manière crédible dans le Paris de la Libération, peignant un tableau quand même assez saisissant d'une époque charnière qui vit se succéder en quelques mois la déroute de la France collabo, le départ des occupants et la découverte des horreurs nazies (l'apparition des rescapés de l'Holocauste constituant, en toute logique, l'un des beaux moments d'émotion d'un film qui ne joue pas facilement cette carte pourtant évidente...). En dépit d'une interprétation pas trop convaincante du casting masculin en général (Magimel plus physique qu'autre chose, Biolay un peu perdu), il est difficile de ne pas se laisser prendre par cette histoire (vraie) ambiguë - à peine effleurée, mais c'est très bien - du réseau RNPG (la jeunesse de Mitterrand, quand même), et de la séduction d'un gestapiste désenchanté. La belle singularité de "la Douleur*" provient néanmoins bien plus de sa lecture fidèle du récit durassien de l'égarement de l'écrivaine dans le labyrinthe de la folie, au fil de journées d'attente de plus en plus insupportables. Là, Finkiel transcende les limites de "l'adaptation" cinématographique pour nous offrir - car c'est un cadeau, et splendide - une lecture inspirée du texte, magnifique, de Marguerite Duras : les trouvailles de mise en scène, de filmage, de musique, l'interprétation osmotique de Melanie Thierry, tout concourt à un véritable trip à la fois littéraire et viscéral. Jusqu'à une révélation finale (pour ceux qui n'ont pas lu le livre) qui jette une perspective différente, bien venue, sur le chemin de croix de Marguerite Antelme. "La Douleur" n'est certes pas un film très aimable, il constitue toutefois une belle expérience de cinéma.
Une adaptation très réussie, un bonheur de littérature et de cinéma. Je n'apprécie pas les voix off dans le cinéma en général, mais ici, le texte de Duras est mis en valeur. Il y a de l'action dans ce film malgré ce qu'en pense quelques mauvaises critiques. L'occupation, la résistance, la fin de la guerre,et le retour des déportés cette période a déjà été beaucoup montrée au cinéma mais jamais avec un tel talent .
Le voile de cette douleur est ineffaçable. Le délai reste encré et vivace marquant une nation, même après la fin du calvaire. Il faudrait être fou ou dans le flou pour ne pas admettre que Mélanie Thierry, tiens ici sont plus grands rôles. Boulevardducinema.com
Ce film relate un épisode tragique de la vie de Marguerite Duras: son attente désespérée de son mari déporté en Allemagne vers la fin de la guerre. d'après " ses cahiers de la guerre" répertoriés sous le titre " la douleur" . Je crois fort que l'intéressée aurait aimé cette adaptation au cinéma: la rigueur de certains décors, les flous, flous des souvenirs mais aussi des personnes qui importent peu quand tout votre esprit est concentré ailleurs,des contre-jours volontaires, une voix off souvent présente, la résistance à pas feutrés....L'intéressée, oui, mais le spectateur? Après un début sans banc-titre, on plonge vite dans cette atmosphère, mais faire percevoir cette attente n'est pas facile et on risque de lasser et parfois le risque devient réalité.Pour nous faire oublier ces excès, Mélanie Thierry campe une Marguerite Duras très captivante.
Plus pour les écrits de Duras que pour le casting, je me décide à voir ce film. On va de surprises en surprises, que de trouvailles, que d'astuces pour faire passer au spectateur un moment à part. Le casting est excellent notamment Benjamin Biolay qui se révèle être excellent pour les drames ( voir "numéro une" récemment), un charisme et une gueule. Mélanie Thierry et Benoît Magimel chargé de porter le film sur leurs épaules ne sont pas en reste non plus. On sort du film marqué par de nombreux sentiments comme la tristesse, l'interrogation. Mais ce qu'on ressent le mieux c'est la douleur, le titre ne pouvait pas viser plus juste ! L'année ne fait que commencer mais cette "douleur" doit faire figure d'épouvantail du cinéma français car il le mérite légitimement. Ceux qui ont vu et apprécié "Hiroshima mon amour" d'Alain Resnais y verront un parallèle.
Une adaptation fidèle et très réussie du recueil de récits de Marguerite Duras. Finkiel a le mérite assez rare dans le cinéma français contemporain de rechercher par l'image des équivalences visuelles aux impressions éprouvées par Duras attendant le retour de Robert Antelme déporté à Buchenwald pendant la seconde guerre mondiale : longues focales floutant l'arrière plan (il en abuse d'ailleurs un peu), immeuble qui tangue, dédoublement de Duras dans le plan pour souligner le dédoublement propre à l'écriture. L'interprétation est remarquable, notamment Mélanie Thierry en Duras. Bref, le film vaut mieux que ce que l'on pourrait imaginer et mérite les louanges critiques. A voir, y compris quand on n'aime guère Duras. Voir ma critique complète sur mon blog : newstrum.wordpress.com
Certes, cette femme souffre de la deportation de son mari. Mais cette douleur n'est plus un sentiment mais la cause de l'étrangeté à elle Meme. Le roman de marguerite duras devient très long à travers ce film...
un film magnifique, admirablement réalisé et interprété. On est dans la peau de l'écrivain, on ressent ses émotions, son désarroi, ses manœuvres, on comprend et surtout on éprouve, chose jamais mis en scène au cinéma jusqu'à présent, la fabrication de son écriture. Un grand bravo.
Un film sur l'attente dans lequel Mélanie Thierry joue très bien. C'est très littéraire, une voix off lit le texte de Duras : on peut parler d'une sorte de volonté de marier la littérature et le cinéma ; et c'est là que le bât blesse car je crois que ce sont deux objets très différents. Au fond je trouve le film pas assez cinématographique. Cela donne cependant envie de se plonger dans le texte de Marguerite Duras. A noter également la très bonne prestation de Benoît Magimel, en méchant collaborateur, travaillant pour la Gestapo.
Ce film avait tout ce qu'il fallait pour que je ne l'aime pas : la lourdeur du film sur la guerre, le rythme pas très appuyé associé à un format dépassant les deux heures, un récit plombant... Sauf que j'ai été happé dès le début, et que la magie a fonctionné jusqu'à la fin ! Mélanie Thierry est magique, c'est loin d'être mon actrice préférée dans l'absolu, mais dans ce film, elle est juste parfaite ! Comment dissocier l'Amour de l'être aimé ? Peut-on isoler la Douleur du manque et la personne perdue ? De la finesse, de la profondeur, de la subtilité non manichéenne... Non ce n'est pas un film sur la guerre, c'est un film sur la vie.
La douleur de par sa lenteur est un film difficile d’accès, mais comment traiter de l’attente autrement que comme cela. Comment montrer le parcours psychologique chaotique et complexe de cette femme sans en prendre le temps. Mélanie Thierry restitue admirablement cette « tempête sous un crâne » dont les pensées qui s’entrechoquent la mènent à des actes extrêmement paradoxaux. La voix off, très présente mais pas omniprésente, colle bien aux images, et fait de ce film un objet intrigant, un film littéraire et non pas l’adaptation d’une œuvre littéraire. Mais le cinéma avec un grand C est bien présent à de nombreuses reprises (la formidable scène dans le restaurant avec Benoit Magimel, celles avec Me Katz, la reconstitution historique dans son ensemble, le retour des prisonniers puis des survivants juifs, la liesse de la libération à laquelle l’héroïne ne peut se mêler). C’est vrai qu’on peut ne pas aimer, qu’on peut ne pas réussir à entrer dedans, mais on ne peut pas classer ce film comme mauvais ou médiocre.
Pour reprendre en images les mots de Marguerite Duras, le point de vue d’Emmanuel Finkiel tient de l’honnêteté plus que de la fidélité. Il use abondamment (un peu trop à la longue) de la voix off que porte Mélanie Thierry avec un brio qui lui suffirait à ne jamais se montrer. Et pourtant sur « scène » la comédienne transfigure la romancière dont est adaptée l’œuvre éponyme sur le retour d’un mari des camps de concentration. L’attente, puis le doute et la douleur se conjuguent avec un brio quasi indéfinissable de la part d’un réalisateur qui avait déjà transcendé l’attitude d’une ordure (« Je ne suis pas un salaud ») et qui cette fois donne à son cadre et à la lumière toute la portée nécessaire pour retranscrire les sentiments d’une écriture et d’une âme à jamais soudées. L’interprétation de Mélanie Thierry participe en tout premier lieu à la réussite de cette retranscription imagée de l’œuvre durassienne, aux côtés d’un Benoit Magimel, excellent, bien que collabo… Pour en savoir plus : lheuredelasortie.com