Franchement Dupieux, plus ça va, plus ça va. En gros il fait partie des réalisateurs qui ne me disaient rien au départ et où les premiers films que j'ai pu voir de lui m'avaient laissé de marbre et qui petit à petit commence à gagner mon petit coeur, car j'avais plutôt apprécié Wrong Cops, Reality et là j'ai bien aimé Au poste !
D'ailleurs comparé au délirant Reality, Au Poste ! fait un peu figure d'enfant sage. On a un quasi huis-clos où Benoit Poelvoorde va tenter d'arracher des aveux à un Grédoire Ludig manifestement innocent. Et là on remarque déjà la variété de la distribution. En fait Dupieux se fait plaisir, certes il y a peu de personnages, peu d'acteurs différents, mais entre Demoustier, Fraize, Orelsan, il y a des gens qui viennent de partout et qui se retrouvent dans cette comédie absurde. Et le pire c'est que ça fonctionne vraiment bien. C'est d'autant plus absurde de voir la délicieuse Anaïs Demoustier d'habitude si sérieuse se grimer et se choper un accent pas possible (avec la coupe de cheveux qui va avec) que de voir, un peu comme Manson dans Wrong Cops, jouer les ados alors qu'on sait tous qu'il a passé l'âge.
Il n'y a pas une seule volonté du contre emploi, ça serait trop facile, mais c'est surtout ajouter des touches de décalage par rapport à notre réalité, des couches successives qui font accepter cet univers déjanté. Enfin il est plus étrange que réellement déjanté. Ici on peut accepter que les personnages aient des malformations étranges, comme des trous dans la poitrine, un œil en moins, œil qui semble par ailleurs être flouté.
Et l'accumulation de détails dans cette histoire qui semble a priori être assez simple et limpide permet d'instaurer cette ambiance (la musique joue aussi beaucoup) où on sent bien que tout ne tourne pas rond... Et c'est ça qui est dérangeant, c'est que ce monde pourrait être le notre, mais qu'il ne l'est pas, il y a des détails indicibles qui parce que heurtant notre logique font mal et provoquent un rire parfois gêné.
Parce que oui, j'ai ri, le comique de situation est assez bien fait pour que ça fonctionne vraiment bien, mais l'attachement au film ne vient pas tant de l'humour que de sa capacité à proposer à chaque fois une situation nouvelle, de plus en plus perturbante et qui pourrait si c'était moins bien amené, sortir totalement du film.
Ici on peut voir les souvenir des autres, comme un spectateur de cinéma verrait une analepse, par exemple... et ça passe... parce que le terrain a été bien préparé avant pour que le spectateur puisse l'accepter.
Bref, j'ai trouvé ça vraiment bien dosé, peut-être mieux que dans les autres films de Dupieux que j'ai pu voir, ce qui en fait sans doute son film le plus accessible, puisque là on est dans une intrigue compréhensible, courte, terre à terre, et l'étrange survient par les personnages, petit à petit jusqu'au final, que je l'avoue m'a laissé un peu sur ma faim.
Alors certains le trouveront peut-être trop sage, mais le charme est clairement là et c'est je pense le genre de film qui ne peut que se bonifier avec le temps dans mes souvenirs et dont il est agréable de se remémorer tous les petits détails qui font l'absurdité du film et donc son sel. Et à chaque fois la mise en scène arrive à bien rendre le tout pour ça que ça soit juste comme il faut. Un exemple, la voisine a vu Ludig sortir sept fois de chez lui là nuit où un homme a été retrouvé mort. Et donc on va voir à chaque fois la voisine ouvrir la porte pour voir Ludig sortir de chez lui et à chaque fois on a un petit regard vraiment malsain, on la caméra qui se pose un bref instant sur ce personnage totalement inutile et qui par la répétition et l'exagération totale du personnage va réussir à faire sourire. La caméra arrive à capter juste ce qu'il faut et à être au bon endroit au bon moment, pour que jamais on ne se sente totalement en sécurité. On est quand le héros, on ne sait jamais quand est-ce-que l'absurde peut surgir et nous assaillir.
Bref, difficile de bouder son plaisir.