On peut déceler toutes sortes d’influences dans ce film d’une durée pourtant minime (1 heure 13). On y trouve du polar façon « Garde à vue », du surréalisme façon Buñuel comme de l’absurde façon Bertrand Blier. Le poids de ces références n’écrase cependant pas le film de Quentin Dupieux, tant celui-ci excelle dans l’écriture et la réalisation de longs-métrages fantasques et surprenants.
Comme l’indique son titre, l’essentiel du film se déroule à l’intérieur d’un poste de police. Le commissaire Buron (Benoît Poelvoorde) interroge longuement un dénommé Fugain (Grégoire Ludig) suspecté d’avoir commis un meurtre. Ce dernier qui, taraudé par la faim et clamant son innocence, aimerait bien renvoyer l’affaire au lendemain se trouve rapidement dépité. Le commissaire est insomniaque et ne voit donc aucun inconvénient à y passer la nuit, quitte à passer le relais, pour un temps, à son collègue Philippe (Marc Fraize), un flic borgne à qui le premier recommande de « garder un œil » sur Fugain. Pour ce dernier, témoin impuissant d’un accident totalement burlesque quoique tragique, le cauchemar ne fait que commencer.
En vérité, bien sûr, Quentin Dupieux s’amuse, enchaînant, pour notre plaisir, les situations absurdes, les dialogues hilarants et les délires narratifs. À plusieurs reprises, il nous fait sortir du poste de police afin de suivre les allées et venues de Fugain, de son appartement où se trouve sa femme jusqu’à la rue où, en fin de compte, il découvre l’homme mort dont on le soupçonne d’être le meurtrier. Avec une habileté confondante, le réalisateur se joue de l’espace et du temps, mettant en présence des personnages qui, logiquement, ne devraient pas apparaître ensemble à tel moment du récit, ou faisant raconter à un personnage des événements qui ne se sont pas encore produits. La mise en abîme fonctionne à merveille.
Tout est possible chez Quentin Dupieux, même de voir la fumée de la cigarette fumée par le commissaire Buron s’échapper par un endroit totalement inattendu (et irrésistiblement loufoque). Sur le théâtre de nos vies, nous suggère aussi le réalisateur, nous ne sommes peut-être que des personnages jouant des rôles… Derrière le décor, qui donc nous regarde et s’amuse de nous ?