« Mademoiselle de Joncquières » en étant une réalisation d’Emmanuel Mouret, ne pouvait déjà qu’intriguer ne serait-ce que par sa filmographie, tour à tour inégale mais toujours bien personnelle et digne d’intérêt !
De son univers très sentimental, où le marivaudage rôde toujours aux alentours, le voici cette fois carrément les pieds dans le plat avec un franchissement de cap assumé, en adaptant cette fois un épisode de « Jacques le fataliste et son maître » de Diderot !
Si bien qu’en se fixant une trame historique, telle cette vengeance de cœur envers le marquis des Arcis, fomentée par Madame De la Pommeraye, Emmanuel Mouret est à la fois dans son plus parfait élément et en même temps se glisse sur les rails d’un récit qui le guident complètement !
Si bien que la langue française dans son aspect le plus noble de l’époque, devient dans la bouche des comédiens un atout de plus qui convient parfaitement au cinéma de ce réalisateur !
En soi, une idée finalement évidente et excellente comme une sorte de consécration logique et bien pensée...
Car on se régale évidemment et tout simplement de ces joutes oratoires qui par l’intermédiaire de Cécile de France et de Edouard Baer, deviennent un délicieux plaisir de l’oreille...
Un point fort déjà fort remarqué dans ces films précédents (« Caprice », « Fais moi plaisir »,...), mais qui ici par le contexte historique, prend encore davantage tout son sens à la vue des décors et des costumes somptueux.
Les deux acteurs s’en donnent à cœur joie, d’autant plus que le réalisateur les dirige parfaitement, à l’image de sa façon d’être et de jouer lui-même à l’écran.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, malgré de belles phrases rondement et joliment prononcées, les dialogues sont cependant piqués au vif, chacun se renvoyant la balle avec tact et finesse à tout instant et que le meilleur gagne !
Cette vengeance échafaudée par Mme De Pommeraye a d’ailleurs des parfums d’actualité surprenants quand on songe au féminisme avant l’heure, auquel renvoie ce film finalement !
Les rôles secondaires avec la présence d’Alice Isaaz notamment, donnent encore plus de pertinence et de force à cette histoire, par la délicatesse décalée qu’elle apporte dans ce jeu de quilles.
Ce qui reste d’autant plus remarquable tient justement au portrait de chaque personnage, de ce qu’il représente en tant que valeur, conscience, intérêt, et à ce niveau les apparences sont bien trompeuses !
Le vice, la vertu, la sincérité, l’honnêteté, la fourberie sont à travers ce plan machiavélique parfaitement secoués et mis à mal, et ce qu’il en ressort devient au demeurant une sacrée leçon !
La fin est d’autant plus excellente qu’elle remet les pendules à l’heure comme on ne s’y attendait vraiment pas...
Ah ! L’Amour !
En tout cas, cela devient ici une petite merveille signée Emmanuel Mouret qui décidément a un petit quelque chose de plus, et c’est bien agréable...