David Lynch je l'adore, c'est un de mes cinéastes préférés, il a un univers qui m'envoûte dans la majeure partie des cas et une remarquable faculté à se renouveler tout en restant fidèle à sa ligne de conduite initiale. Blue Velvet était un de ses films majeurs qu'il me manquait et je n'ai pas été déçu du résultat. Une nouvelle fois, Lynch m'a embarqué dans son univers auquel je suis presque totalement acquis.
Comme à l'accoutumée, la mise en scène est de grande qualité. On sent dans Blue Velvet cette inspiration directe du film noir typique des années 50 dans cette faculté de filmer les espaces clos, comme l'appartement de la chanteuse de blues ici. Lynch propose de nouveau une atmosphère atypique, remplie de mystère et de folie, de douce folie d'ailleurs. Si le cinéaste nous aura amené sur des sentiers plus tortueux avec Eraserhead, Lost Highway ou encore Mulholland Drive, cette sensation est ici amoindrie. Ce qui ne rend pas le film très serein pour autant. C'est assez énorme de voir comment à partir d'une histoire relativement simple, Lynch nous emmène dans l'observation des coulisses d'un décor niais en apparence pour mieux discerner des caractères enfouis qui constituent l'antithèse de ce décor. Car l'introduction c'est ça, ça s'ouvre sur un monde de niaiserie tout beau, tout coloré et petit à petit nous plongeons dans une ambiance plus sombre, plus oppressante. Nous voici ainsi devant une pure critique des apparences qui ne sont ici que des mensonges masquant une sordide réalité.
Les névroses des personnages apparaissent alors subitement. Elles éclatent au grand jour dans ce monde où toute cette façade rassurante n'est qu'un tissu de mensonges. Le personnage principal est une âme perdue qui s'égare dans des sentiers dangereux qui l'attirent de plus. Sentiers de la curiosité, de l'amour et de la perversion. Cette attirance mystérieuse pour une chanteuse troublée et troublante l'entraîne irrémédiablement vers un jeu dangereux où il risque d'y perdre la vie. Kyle MacLachlan est très convaincant dans ce rôle, au même titre qu'Isabella Rossellini qui impressionne dans ce rôle de femme mystérieuse et fragile. Mais celui qui crève l'écran c'est Dennis Hopper, alias Frank, un psychopathe notoire particulièrement manipulateur et dérangé. Bref, un mec auquel je ne confierais pas mes gosses. La toute jeune Laura Dern offre également une performance intéressante, elle qu'on reverra plus aguerrie dans Saloir et Lula et divine dans Inland Empire.
Blue Velvet est une oeuvre unique. Une nouvelle fois, Lynch signe un film particulier où poésie et sensualité partagent l'affiche avec le malsain et le sadisme. Il y a des instants réellement géniaux, je pense à ce passage où l'étudiant planqué dans l'armoire de la chanteuse observe cette dernière s'étaler au sol, vêtue d'un simple peignoir de velours bleu, et s'offre à lui, s'offre à son regard. Une véritable tension règne tout le long du film également, l'ambiance visuelle et sonore est au beau fixe, ce film a quelque chose d'inquiétant, de perturbant. On reprochera peut-être à Lynch d'offrir certains moments un peu convenus mais pour le reste c'est du génie brut. Angelo Badalamenti signe une fois encore une BO magistrale et envoûtante. Ce dernier mot caractérise parfaitement la chanson "Blue Velvet" qui reste encore en tête des semaines après avoir vu le film. Une oeuvre remplie de lyrisme, fascinante et troublante qui aura su me conquérir. David Lynch est décidément un grand artiste.