5sur5 (...) Fenêtre sur cour : la suite bigarrée. Dès lors, Jeffrey est comme un enfant ayant ouvert la boîte de Pandore et se gardant bien de le faire savoir à son entourage, pour mieux s'y consacrer lui-même, s'y abîmer avec complaisance et envie. Ces déviances qu'il côtoie, Jeffrey les réfute devant Sandy : il ne lui évoque qu'une affaire terrible qui aurait l'impudence d'être ici, dans ce paradis vierge. Sandy retient Jeffrey dans le monde commun de la vertu, mais malgré ses efforts, elle voit comme son amant (ce degré de leur relation est lui-même nimbé dans le non-dit) est aspiré par le charme vénéneux, le désespoir éclatant de Dorothy. Ce chaos qui la dévore exerce la même attraction pour Frank, le bourreau, terrifiant Denis Hooper, avide de substance, détenant sous son emprise l'otage sensuelle pour reconstituer sur elle ses fantasmes morbides. Jeffrey lui-même est devenu objet soumis et inanimé, avant d'être ranimé par les désirs de Dorothy, lorsqu'il avait une dette envers elle : il l'a vue se perdre dans sa propre tragédie, il a vue son âme nue, et on ne peut pardonner à l'Autre d'avoir vu sans l'entraîner plus au fond avec soi.
Mais Jeffrey et Sandy se rassurent, échappent à ces bizarreries, même lorsque, pris dans leur engrenage, ils ont été amenés à les affronter. A cette fin, ils se sacrifient à des accès fantasques mais rassurants, se racontent des histoires enflammées de rouges-gorges. Encore une envolée naive tenue pour salvatrice. Ainsi, le film s'ouvre et se ferme sur des images de cartes postales idyllique. Mais il y a une tâche dans ce décors et les deux versants relèvent du fake patent. L'ironie est à l'oeuvre, la façade polie a été taillée en profondeur, les monstres ont surgis, la curiosité a ouvert la brèche aux échos profanes, salissant toute façade polie. Dans ces conditions, l'happy-end est un leurre scandaleux. Le rouge-gorge a attrapé ces cafards qui s'agitaient sur la détresse d'un membre sectionné, l'amour s'est hissé en vainqueur, dirait-on. Et dans cette imagerie d'Epinal, Dorothy cauchemarde, ou rêve, encore de Blue Velvet. Comme on ne se détache pas du Mal, mais qu'on garde ces forces obscures, secrètement en soi. (...)
Mon nouveau blog : http://videodrome.over-blog.net/