Voir « Okja »… Ah ça ! Difficile de faire moins anodin pour qui se tient informé de l’actualité du cinéma ! Voir « Okja » c’en est presque devenu un acte politique en cette année 2017, voire même un acte militant tellement ce long-métrage a été au cœur d’une polémique assez incroyable quand on prend un peu le temps d’y penser… Mais bon… Au-delà de tout ça, « Okja » n’en reste pas moins qu’un film ; un film qu’on regarde dans l’espoir de passer un bon moment. Or moi, autant je rejoins tous ceux qui se sont ulcérés du sort réservé au film de Bong Joon-ho, autant je prendrais mes distances à l’égard de tous ceux qui le qualifieraient de chef d’œuvre méprisé. Non, « Okja » n’est pas un chef d’œuvre à mes yeux. Pire même, je trouve que pour le coup c’est un film vraiment regrettable, dans le sens où il procure beaucoup de regrets. Certes, il y avait de l’audace dans ce début d’intrigue et une belle part laissée à une jolie folie, ce qui garantissait un spectacle un peu hors-norme. Seulement voilà, ça tient aléatoirement au départ, pour ne plus tenir du tout par la suite. Et franchement, sur la première moitié, j’étais prêt à passer outre. Alors certes il y avait des scènes qui me laissaient vraiment perplexe (
comme celle où Okja sauve Mija en sautant dans le vide, voire même tous les moments où Okja est au centre de l’attention
), autant il y avait pleins de bons petits moments qui savaient compenser tant ils étaient des régals de décalage, d’absurde et de savoir-faire. Le passage à Séoul fut notamment un vrai régal pour moi (
et je pense entre autres à la course-poursuite qui est un festival de plans formidables et de plans que j’ai trouvé désopilants. Il se dégage de ce moment une atmosphère qu’Emir Kuzturica n’aurait pas renié
). Avec ce passage séoulien d’ailleurs, j’ai même cru que le film allait décoller et passer un cap dans cette logique gentiment fofolle. Et là – BAM ! – l’arrivée à New-York marque le début d’un naufrage aussi incroyable qu’inexplicable. Arrivé à New-York, le film s’enlise dans un humour lourdingue extrêmement surappuyé. Les scènes s’étalent inutilement. Elles se perdent en minutes interminables d’exposition. Quand aux acteurs, ils se mettent à virer au surjeu, quand ce n’est pas à la clownerie des plus grotesques. Et quand j’insiste sur le grostesque, en fait je pense à un acteur en particulier : Jack Gyllenhaal. Sa prestation est juste… ridicule et extrêmement pénalisante pour le film. Là, on n’est plus dans la surenchère, on est clairement dans l’HYPERenchère. C’est vraiment navrant et, de l’absurde, on bascule soudainement au gavant. Et alors que l’humour opère donc ce virage assez incompréhensible, l’intrigue elle s’en désolidarise soudainement pour plonger dans un sérieux et un premier dégré là aussi assez consternants. De la petite farce absurde et gentilette, on se retrouve soudainement face à un film au propos militant primaire, martelé avec la subtilité d’un marteau piqueur, et conduisant le film vers une conclusion tire-larme assez affligeante. Et le pire, c’est que dans ce passage new-yorkais, il n’y a quasiment plus de cinéma, alors que ce n’était clairement pas le cas quand le film se déroulait en Corée. Alors ceux qui n’ont pas vu le film me diront que j’ai l’air de bien m’attarder sur un seul passage pour descendre tout un film. Mais le problème c’est que ce passage new-yorkais représente clairement toute la deuxième MOITIE du film. Et au regard de ce qui avait été entrepris dans la première partie, ce deuxième pan de l’intrigue relèverait presque de l’erreur professionnelle. Que ce soit dans la forme ou bien que ce soit dans le fond, cette rupture n’a absolument aucun lieu d’être. Abandonner l’audace formelle au profit de cette réalisation plan-plan et illustrative, c’est une rupture qui est, je trouve, incompréhensible et injustifiée. Abandonner le ton de la petite farce absurde au profit d’une vieille intrigue sensationnaliste très bas du front avec, pour asseoir le tout, un militantisme des plus primaires, ça aussi je trouve que c’est une rupture incompréhensible et injustifiée. En fait je trouve ça idiot. Pire, je trouve ça même presque lâche. A force d’écrire d’ailleurs, je me rend compte que le sentiment qui domine concernant cet « Okja » ce n’est pas finalement le regret, c’est presque davantage de la colère. Non pas que, étant donné le contexte de sa (non)-sortie, je voulais que le film soit à la hauteur de la fougue qu’il a déchaînée. Non. En fait c’est plus à l’égard de Bong Joon-ho que je suis en colère. Le gars bénéficie d’une véritable carte blanche de la part de Netflix, et ce gars, il fait… ça. Pour le coup j’ai l’impression que la seule liberté qu’ait pris cet auteur c’est celle d’être laxiste. Venant d’un gars comme lui je trouve ça assez honteux. Il peut faire mieux. Il sait faire mieux. Et au final il se contente juste de faire crier un Jack Gyllenhaal en short et en soquette et de nous faire du tire-larme en faveur d’une grosse bouillie numérique mal dégrossie. Eh bah non. Moi je dis non. Autant je valide le début – malgré le tri qu’il faille y faire – autant je trouve la deuxième partie assez scandaleuse. Donc non, pour moi « Okja » n’est malheureusement pas à la hauteur de ce qu’il aurait du être, non pas parce qu’il fut au cœur de la polémique que l’on sait, mais juste parce qu’il est un film d’un des meilleurs réalisateurs coréen de son temps. Ah ça ! Rien que pour ça, j’enrage…