2017 est définitivement l'année où Netflix veut s'imposer avec ses productions cinéma. Allouant plus de budget à celles-ci mais en s'accaparant des cinéastes de renoms ou au début prometteur. Le mois dernier, c'était David Michôd qui avait plutôt bien réussi son entrée sur la plateforme de streaming avec War Machine. Mais ce mois-ci, Netflix entend sortir son premier film majeur. Un film qui a déchaîner les foules avec diverses débats sur la chronologie des médias, la nécessité de la sortie des films en salles ou encore de la présence de film Netflix au Festival de Cannes. Car ce Okja, nouveau film du génial Bong Joon-ho, a eu le privilège d'être en compétition du célèbre Festival. Il trouve avec Netflix la possibilité de continuer son ascension vers l'occident entreprise avec son Snowpiercer, film plus tourné vers l’international que ses précédentes œuvres.
Ce Okja est d'ailleurs assez similaire à Snowpiercer sur plusieurs points, gardant ses qualités mais aussi ses défauts. On reste dans la continuité du cinéma plus engagé de Bong Joon-ho, entrepris avec son impeccable The Host, et poursuivi donc ici et dans son précédent film. Alors que dans Snowpiercer il s'intéressait à la lutte des classes, où le pauvre n'était que l'outil du riche, il signait une oeuvre nihiliste et jusqu'au boutiste mais qui ne brillait pas par sa subtilité malgré l'aspect très ludique de sa mise en scène. Ici l'on retrouve cet thématique de l'exploitation d'un être vivant par un autre, mais au lieu que cela ne s'arrête que sur l'Homme cela s'étend aussi à l'exploitation animale. Le film prend les contours d'une satire anti-capitaliste qui se montre souvent pertinente mais jamais vraiment très fine. Les ficelles sont grosses et dans sa volonté de gérer tout ça comme un divertissement léger et souvent bonne enfant, il en devient presque simplet dans son propos. Mais cette naïveté ne tombe jamais dans un manichéisme trop fermé, les militants pour la libération des animaux sont loin d'être totalement blanc non plus. D'ailleurs l'exploitation ne s'arrête pas que sur les animaux, ici le personnage principal, l'adolescente Mija qui s'occupe du cochon géant Okja, est autant utilisée par les militants que l'entreprise qui a créée les super-cochons. Ici le visage de l'innocence est un atout publicitaire dans un monde de moins en moins enclin à l'être.
Le film se montre donc souvent intelligent dans la manière de gérer ses thématiques et immiscer par petites doses le trouble. Et même si son approche enfantine limite par moments la portée du récit, elle a quand même pour contrecoup de se montrer totalement poignante dans le dernier quart où l'on est confronté à l'horreur de la réalité. Même si la résolution de l'histoire apparaît un peu facile. Néanmoins l'émotion fonctionne, et c'est une des principales forces de ce Okja qui débute pourtant de la pire des manières avec un premier quart d'heure téléphoné et ridicule jusqu'à ce que l'histoire se mette en branle et qu'on en vient à être captivé. Grandement aidé par l'affirmation de la jeune Ahn Seo-hyun qui arrive à être impeccable et très attendrissante dans son rôle. Elle fait avec Paul Dano, excellent dans une prestation à contre-emploi où il déploie tout son charisme, la force d'un casting pas des plus convaincants. Le cabotinage de Jake Gyllenhaal est marrant de prime abord mais devient vite fatiguant et le reste du casting n'est pas assez mis en avant pour vraiment briller. Par contre le gros malus revient à Tilda Swinton qui limite désormais ses performances à son grimage. Totalement forcée dans son jeu, elle joue encore la carte de l'exubérance échevelée sans le moindre travail en profondeur derrière. Ne reste plus qu'une prestation vide et le sentiment de voir une grande actrice devenir petit à petit la caricature d'elle-même.
Un constat relativement triste, mais dont Bong Joon-ho est en partie responsable car il ne tente jamais de sortir l'actrice de sa zone de confort. Même comme toujours chez lui, il aime tirer les performances les plus caricaturales de ses acteurs pour que cela s'accorde avec l'aspect over the top de sa réalisation. Mais sur ce point, le film est somptueux, une habitude chez le cinéaste. Avec la photographie très léchée de Darius Khondji, il met en scène un spectacle tantôt coloré et festif mais aussi parfois teinté d'une noirceur terrible. Globalement, Bong Joon-ho joue la carte du divertissement accessible et dynamique, à l'image d'une scène de course-poursuite totalement dingue et maîtrisée à la perfection dans les rues de Séoul. Inventive, généreuse et bien pensée, sa mise en scène surprend dans la mesure où l'on n'aurait pu ne pas forcément s'attendre à un film aussi énergique et enjoué dans son approche. Une démarche que n'aurait pas renié un certain Steven Spielberg.
Okja est un divertissement de haute tenu qui ne néglige jamais la réflexion. Même si il se montre peu subtil dans ses développements, parfois trop enfantin dans son regard et que certains aspects trop appuyés agacent, il fonctionne totalement dans ce qu'il entreprend. Drôle quand il doit l'être, rythmé, mis en scène avec savoir-faire et sachant même être par instant vraiment poignant, c'est un geste de cinéma souvent admirable qui prouve que Netflix ne plaisante pas dans le domaine. Bong Joon-ho est totalement maître de son film, on reconnait l'excentricité de son style et les thématiques qui lui tiennent à cœur. Malheureusement, en ce voulant plus accessible, il perd un peu la force de ses précédents films. Avec en plus l'agaçante présence de Tilda Swinton et le début assez laborieux, le film loupe l'excellence. Mais même si il a les contours d'un film mineur dans la filmographie de son auteur, il n'en reste pas moins une très bonne réussite.