Je viens de revoir sur ciné + Toni Erdman, vu à sa sortie il y a quelques années. Quel film, quelle audace !
Profondément émouvant et dérangeant, le récit de ces retrouvailles entre un père fantasque et sa fille morte vivante se paye tous les culots : la description d’un monde ultra libéral, d’un pays de l’est plutôt hostile (Roumanie) , des codes du consultant ( décrits avec un réalisme et une froideur saisissants) mais surtout de deux personnalités très fortes, deux anti héros absolus de cinéma, avec qui on n’a à priori aucune envie de passer un moment : le père, à qui ne reste plus que le travestissement de son identité, de son image, pour se rapprocher de sa fille avec insistance, incorrection, brutalité. En un mot, en reprenant à son propre compte tous les codes du métier de sa fille qui, sous une face polie, n’est que l’émissaire d’une brutalité financière et d’une déshumanisation de la société qu’elle prétend conseiller. D’emblée on sent bien que la faille est présente en elle, et bien sûr ( c’est certes la grosse ficelle du scénario mais ça marche) elle ne fait que s’agrandir au fur et à mesure des affrontements avec ce père.
Le grand art du film est de passer d’une conversation de salon realiste, désincarnée à une scène de pur chaos qu’on ne voit pas tout de suite venir . Le scénario, le cadrage, l’interprétation toute en finesse font peu à peu chavirer la situation, son personnage et son spectateur vers un monde malaisant, étouffant : la scène entre La fille et son amant ( quasiment tarifé), celle de la chanson de Whitney Huston au final dérangeante, et surtout la party, apothéose de l’éclatement de tous les faux semblants ou le rire côtoie la sidération. Quel culot !
Dans ces trois scènes Sandra Huller démontre sans en avoir l’air l’immense comédienne qu’elle est. Depuis Anatomie d’une chute, fort heureusement le monde entier le sait désormais.
Mais au final si une image devait me rester de ce film, c’est celle de ce chignon blond ( lointaine évocation de la Carlotta de Vertigo?) perdue dans la fourrure artificielle arborée par ce vieux fou de père, et qui finalement la rassure, nous rassure. . Ce père edt interprété par Peter Simonischek, un immense acteur du théâtre allemand.
Que le festival de Cannes soit passé à côté de ce film et de ses deux acteurs en 2016 est proprement sidérant ..,