2 heures sur un type qui marche sur un fil, çà vous tente ? Non ? Et bien vous avez tort car « The Walk » est un moment de cinéma merveilleux qui nous entraine dans le monde fou de Philipe Petit dés les premières images et dont les toutes dernières images, 2h05 après, nous serrent le cœur. Maitrisé de bout en bout par Robert Zemeckis, qui n’est pas le premier venu, le film a fonctionné sur mois au-delà de que je j’imaginais. En fait, la traversée en elle-même est époustouflante (j’y reviendrai) mais elle ne dure que 15 minutes environ. Tout le reste du film explique comment l’idée complètement folle de Petit s’est imposée dans son esprit au point de devenir obsessionnelle, comment il a réussi à embringuer dans cette aventure quelques complices qui ne connaissaient quasiment rien au monde des arts du cirque (dont un qui ne parle pas un mot d’anglais et qui a le vertige sur un tabouret !), comment il a préparé son coup en secret, quasiment comme on prépare le casse d’une banque. Pendant les 90mn premières minutes du film, Zemeckis nous offre une sorte de « Ocean’s 11 » et on est pris dans les fils de la toile d’araignée de son scénario. Même si on sait qu’il va réussir à monter son câble jusqu’en haut de la Tour Sud, puis qu’il va réussir à le tendre jusqu’à la Tour Nord, puis à les arrimer comme il faut, on ne décroche pas une seule seconde. Avec un montage intelligent, une utilisation courte mais pertinente du noir et blanc (avec juste un objet de couleur, procédé utilisé en premier par Spielberg dans « The Schindler’s list »), avec un musique bien placée qui ne parasite jamais les images, Robert Zemeckis maîtrise son film de bout en bout. Par souci de véracité, il n’hésite pas à faire un film quasiment bilingue, quand on le voit en VOST c’est épatant, on y parle énormément en français, surtout au début et, bêtement, çà fait plaisir ! Et puis surtout, c’est assez gonflé dans le monde du cinéma américain. Ses jeux de caméra sont efficaces et audacieux mais pas maniérés, ses travelling donnent le vertige mais ils ne sont pas là pour faire « Regardez comme je suis doué avec mes travelling, vous en voulez encore et bien en voilà ! », non, ils sont utilisés comme il faut, et sans en faire trop. Et puis il y a le point d’orgue du film, la traversée ou plutôt devrais-je dire LES traversées car il y aura plusieurs allez-retour, qui sont filmées quasiment sans musique, avec un suspens réduit au minimum et qui aurait paru déplacé (on sait bien qu’il a réussi puisqu’il est toujours vivant !), elles ne sont pas stressantes comme on aurait pu le craindre. A la limite, j’avais plus la sensation du vide et la tremblote quand je voyais le personnage de Philippe Petit arrimer ses câbles à 10cm du bord de la Tour que pendant la traversée en elle-même où le danger est gommé au profit de la beauté du geste. Le voir faire des demi-tours, s’agenouiller sur le câble ou même s’allonger dessus pour reposer ses bras de la lourdeur du balancier, çà ne m’a pas vraiment fait flipper, c’est juste sublimement BEAU. Et c’est parce que Joseph Gordon-Levitt, qui incarne Philippe Petit de manière incroyable, marche sur le câble quasiment le sourire aux lèvres, c’est son moment, c’est l’accomplissement de son rêve, çà transparait sur son visage de manière sobrement efficace. Le casting, parlons-en, il est épatant. Que ce soient les acteurs francophones comme Charlotte Le bon ou Clément Sibony ou bien les américains comme Ben Kingsley, tous sont très investit dans « The Walk », çà donne un certain enthousiasme qui transparaît à l’écran. Et puis il y a Joseph Gordon-Levitt, un acteur que je connais mal et dont je ne me souviens pas de l’avoir vu, avant « The Walk », dans un premier rôle. Lui qui a souvent servi de faire valoir dans des seconds rôles trouve ici l’occasion d’une performance d’acteur tout à fait exceptionnelle dans une carrière. Il parle français sans accent (j’ai lu quelque part qu’il était parfaitement bilingue) et parle anglais avec une pointe d’accent français adorable, et çà ne doit pas être évident pour un anglophone ! Il campe un Philippe Petit passionnée, obsédé (et un poil mégalo !), au caractère entier, parfois adorable, parfois égoïstement cassant : l’artiste absolu dans toute sa splendeur. Sa performance en haut des Tours sonne tellement vrai qu’on oublie qu’il a du tourner à 10cm du sol sur un fond vert pour ne retenir que son visage concentré et souriant en même temps, le visage de l’homme qui défie les lois physiques et universelles de la pesanteur juste pour le bonheur de pouvoir le faire. Et puis il y un dernier personnage, omniprésent, et qui tient un rôle fort dans « The Walk », c’est le World Trade Center. Reconstituées et remises au Centre de Manhattan, filmées d’en bas, d’en haut, de près, de loin, de l’intérieur, les Twins Towers sont omniprésentes au point d’être le tout dernier personnage à l’écran avant le générique de fin. « The Walk » est aussi une déclaration d’amour à ces tours défuntes qui m’ont rarement parues plus belles que dans le viseur de la caméra de Robert Zemeckis. Sans qu’il n’en soit jamais question, leur disparition donne une toute petite amertume en bouche tout au long du film. Le film n’y fait aucune allusion, même à la fin, mais on y pense beaucoup, à ce 11 septembre 2001 pendant « The Walk ». Ca apporte une toute petite touche de gravité à un film très réussi, très maîtrisé, incarné avec talent et bourré d’un enthousiasme assez communicatif. Il y a quand même quelque chose qui m’a déçu, pour finir cette critique et être parfaitement honnête : elle est où la 3D ? Punaise, aucune séance de proposées en 3D, alors que le blockbuster violent et pétaradant de la salle d’à côté en bénéficie, lui. Si il y a un film qui aurait sublimé la 3D, c’est bien celui là ! Lamentable…