D'une nature assez feignante ce film était en quelque sorte fait pour moi, j'aimais bien l'idée, le synopsis et le casting me laissait imaginer quelque chose de frais et d'original, la comédie française avait besoin de se renouveler un peu et d'aborder des sujets sociaux avec malice et un tant soit peu d'intelligence, mais au final j'ai la pénible sensation d'un gâchis et d'une sorte d'impasse du genre, cette mode du "feel good" m'écœure au plus haut point.
C'est donc l'histoire de Sébastien (Baptiste Lecaplain), bientôt la trentaine, qui n'a qu'une seule et unique volonté : ne rien faire et rêver sa vie, titulaire d'un BAC 10 il ne cherche pas à évoluer professionnellement, il n'a pas d'ambition, il veut rester libre allongé dans son lit ou a grignoter des chips devant la télé toute la journée. Il s'installe en collocation à Paris avec une amie de fac Anna (Charlotte Le Bon) et Bruno (Félix Moati), et se contente de vivre du RSA sous l'œil bienveillant de son assistant social Richard (Denis Podalydès), mais cela lui suffit il ? N'a t-il pas besoin d'autre chose ?
Les thèmes abordés sur le papier sont donc bigrement intéressants et sujet à l'élaboration, l'aliénation du travail, notre rapport à la liberté, l'entraide sociale, les mécanismes de l'individu, les bases étaient prêtes, et le jeune réalisateur Benjamin Guedj choisi d'introduire son film de manière "percutante" avec ce monologue de Sébastien sur la masturbation comme substitut d'une réalité fantasmée, c'est directement drôle sans être pompeux, puis on nous présente ce personnage qui ne veut juste qu'être bien, il n'en veut pas plus, juste se sentir bien.
On voit son rapport avec le monde qui l'entoure, que ça soit ses parents, ses nouveaux amis ou les institutions sociales, le plus difficile restait à venir puisqu'il fallait trouver le moyen de faire évoluer les enjeux de Sébastien, et c'est justement là où le film échoue car il tourne monstrueusement en rond, on n'avance pas. Vers le milieu du long métrage les situations semblent extrêmement poussives et démonstratives, comme la scène de l'apéro qui est d'une théâtralité affligeante puis celle du banc dans le parc où Sébastien est abordé par des gens parce qu'il reste là à ne rien faire, là c'était clairement la scène de trop, d'un ridicule incroyable, tellement que je pensais que c'était un rêve, mais non, mwarf ...
Et ensuite on enchaîne des séquences sans aucun réel questionnement, le scénario est aussi feignant que son sujet, il préfère idéaliser la chose pour mieux faire passer la pilule, genre le conseiller social qui l'encourage à ne rien foutre (désolé ça n'existe pas ça dans la vraie vie), le gars qui devient un super vendeur de literie et qui tombe nez à nez avec la femme de sa vie pour finir ensemble avec belle petite existence et un gosse, tout va bien dans le meilleur des mondes, le message c'est donc que la vie s'arrange sur un coup de baguette magique et rien à foutre des nuances et des questionnements philosophiques, tout est gentiment idéalisé, c'est ce fameux "feel good" à la con qui fait tout foirer encore une fois, c'est frustrant par rapport au potentiel qu'avait ce film.
"Libre et assoupi" est donc un gâchis dans son élaboration, il pouvait tellement faire mieux, ne serait ce que pour montrer des enjeux alternatifs pour ne pas s'enfermer dans une uniformité redondante de la narration. Reste tout de même un rythme plaisant, des ruptures de ton parfois malicieuses et un trio d'acteurs acceptable, plus un Podalydès toujours excellent peu importe son rôle. Le genre de la comédie française repart donc de zéro, on attendra encore et encore pour que le genre finisse enfin par se renouveler et proposer quelque chose de réellement cohérent sans cette volonté énervante de prendre des pincettes inutiles pour sortir enfin de cette impasse.