Je ne sais pas vous, mais moi mon réflexe face à l’annonce de ce « Toy Story 4 » ce fut un « encore ? » plus que blasé. Bah oui quoi ! A quoi bon vouloir poursuivre encore et encore cette saga alors que l’épisode 3 – qui déjà pour moi tirait un peu la langue – avait su se poser comme une conclusion satisfaisante ? …Oui bon, OK, je sais : tout comme vous j’ai déjà la réponse à cette question. L’argent. Pixar est une grosse machine qui doit rassurer régulièrement ses actionnaires, et pour cela, le studio à la lampe n’a pas hésité depuis quelques années à adopter une politique quasiment assumée : celle qui consiste, pour obtenir le financement de projets plus créatifs et audacieux comme « Vice-Versa » ou « Coco », à s’autoriser régulièrement l’exploitation de « franchises » déjà installées comme, ces derniers temps, « Monstres et Cie », « Cars » ou bien encore les « Indestructibles ». Alors c’est vrai que même si ces suites n’ont jamais vraiment abouti à de réels chefs d’œuvre, d’un autre côté il faut bien reconnaître qu’elles ont malgré tout (presque) toujours conduit à des résultats bien ouvragés, réfléchis et la plupart du temps respectueux des œuvres dont elles se voulaient les continuatrices. D’ailleurs c’est uniquement parce que j’avais ce constat en tête que je me suis risqué à cet énième « Toy Story », mais au fond de moi – je vous l’avoue – j’avais peur. J’avais peur que, ce coup-ci, ce soit l’épisode de trop et – franchement – la première demi-heure a failli me donner raison. Encore Woody et ses amis. Encore ce message à base de « nia-nia-nia-AndyBonnie-a-besoin-de-ses-jouets… » Encore cette musique guimauve et cette foutue chanson « Je suis ton meilleur ami » ! Naaaaaaaaaan ! Mais par pitié ! Stoooooop ! Arrêtez ! Voilà justement tout ce que je déteste avec ces suites de trop ! Ce sont ces suites qui en viennent à t’user de l’œuvre originale tellement elles tirent tout le temps sur la même corde ! Surtout qu’à bien y réfléchir, « Toy Story » n’est pas forcément la « franchise » la plus intéressante de l’univers Pixar. Il ne faut pas oublier qu’à la base, les gars de Lasseter s’étaient lancés dans ce projet parce que – dans la continuité de leur démo technique « Tin Toy » – ils s’étaient quand même bien rendus compte que des jouets, à cette époque, ça posait moins de souci à animer que les humains. Alors du coup ils s’étaient mis à broder toute une histoire autour de ça, écrite comme il a pu par feu-Joe « Petit grille-pain courageux » Ranft, et qui a donc abouti à ce schéma narratif plus ou moins tenable à base d’amitié indéfectible. Parce que oui, si je précise tout ça, c’est parce que cette énième suite, à tirer une nouvelle fois sur la même corde, m’a clairement conduit à me questionner grandement sur le propos que trimballe depuis quatre opus cette histoire de jouets. Mais où est-ce qu’ils veulent en venir au juste avec leur histoire de rapport enfant-jouet ? Autant pour les deux premiers épisodes c’est plutôt clair, autant là on arrive dans une sorte de rapport malaisant où on ne sait plus trop de quoi on parle. Voilà maintenant que les jouets sont assimilés à des parents et que sont questionnés à travers eux toutes les questions liées à l’éducation et à la dépendance affective. Alors pourquoi pas, mais il y a vraiment des moments où la métaphore se défile totalement et où on ne sait plus trop ce qu’on cherche à nous raconter. (
Moi je pense notamment à cette histoire de jouets perdus. Qu’est-ce qu’on cherche à me dire quand on fait l’apologie des jouets perdus qui passent d’enfants en enfants ? Qu’est-ce qu’on cherche à me raconter avec ce personnage chelou de Gabby Gabby qui aborde plein de thématiques différentes sans qu’une cohérence globale se dessine vraiment au final ?)
Émotionnellement, ce film fut pour moi un véritable bourbier tant il avait l’air de lui-même se mélanger les pinceaux dans la manière d’illustrer ce qu’il avait à dire. Il y a un côté décousu assez criant dans cette quatrième déclinaison de « Toy Story », mais qui s’explique sûrement par la fragilité de sa base qui n’avait pas été pensée pour un tel développement… Et pourtant, malgré cet agacement réel que j’ai à l’égard de ce film, je me retrouve quand même à lui mettre une note plutôt convenable au final. Bah oui, parce que ça a beau être parfois bancal, chez « Pixar » on a malgré tout un sacré savoir-faire qui permet de donner de l’allure même aux structures les plus anodines. Tout tient en fait en une multitude de détails qui, tous réunis, finissent par former un agrégat plaisant et agréable à regarder. Détails visuels d’abord. Pixar reste le champion toute catégorie pour composer des décors magnifiques et riches de signification. Même chose pour les différentes créatures qui peuplent ce monde. Mention spéciale d’ailleurs à ce magasin d’antiquité qui, au fur et à mesure des minutes, devient un véritable palais des merveilles riche en espaces iconiques et en moments d’aventure et vie mémorables. Pris isolément, un pantin désarticulé, un chat joueur ou bien encore une gentille mamie ne suffisent pas à charmer, mais combinés tous ensemble ils donnent une identité forte à un univers attractif et cohérent. Détails d’écriture ensuite. Moi j’ai trouvé la myriade de personnages secondaires assez craquants. Mon petit coup de cœur va à Duke Kaboom. Il résume à lui seul la force de cet opus sur ce point là. Pas trop présent, mais chaque apparition est un petit moment de fraicheur parce qu’il pose chaque élément qui le caractérise très rapidement et de manière assez amusante, si bien qu’à chaque récurrence du personnage il devient possible de construire un petit arc narratif vraiment distrayant. Sa présence, associée à celle d’autres personnages comme le duo Bunny et Ducky, comme Bo et toute sa troupe, comme Gabby et ses sbires, ou bien encore comme le groupe de jouets restés dans le camping-car, tous fonctionnant plus ou moins selon le même schéma, parvient à donner de la densité et du dynamisme à ce film qui structurellement n’en avait pourtant pas. Et tout ça fonctionne parce qu’il y a un dernier lot de détails qui vient consolider le tout : il s’agit des détails de mise en scène. Là aussi c’est très fragmenté, mais il y a une pelletée de bonnes idées ça et là. Ça passe de simples jeux habiles de contre-plongées dans un couffin à des jeux de rupture savamment menés pour créer de l’effet comique (notamment quand Bunny et Ducky évoquent leurs différents plans pour récupérer les clefs de mamie). Ainsi, par tout cet agrégat savant de savoirs-faires, les équipes de Josh Cooley sont parvenues à me faire passer une pilule pourtant globalement amère. D’ailleurs, j’aurais peut-être pu aller plus haut dans mon plaisir et dans ma notation si, régulièrement, ce « Toy Story 4 » n’avait pas eu pour obligation de revenir à son histoire principale confuse, nian-nian et douteuse. En somme – à faire le bilan – il n’est pas honteux ce « Toy Story 4 » – loin de là – et je pense qu’il saura distraire et satisfaire les moins exigeants d’entre nous ; notamment ceux qui espèrent juste passer un moment de détente avec leurs gamins. Malgré tout, de mon côté, je ne peux m’empêcher de craindre l’avenir en regardant ce film. Après tout « Toy Story 3 » semblait déjà vouloir se poser comme une conclusion et malgré tout, chez Pixar, ils nous quand même remis le couvert pour une nouvelle conclusion. Jusqu’où iront-ils ? Tout a déjà été dit, mais visiblement ce n’est pas ça qui les arrête. Donc qu’en diront-ils encore ? Espérons en tout cas que Pixar, au sein de l’empire Disney, saura résister autant que possible à l’appel du côté obscur de la force. Car parfois, à trop vouloir tirer sur la corde, elle finit par rompre… Mais bon… Après, ça ne reste que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)