« Mourir peut attendre » la 25ème aventure cinématographique de James Bond clôt la période Daniel Craig, sixième acteur du Commonwealth (George Lazenby était australien) à avoir porté le matricule 007. Avec 5 interprétations, il se classe troisième derrière Roger Moore et Sean Connery (7) mais devant Pierce Brosnan (4), Timothy Dalton (2) et George Lazenby (1). S’il a fait comme les autres globalement, croître les recettes de la franchise, Daniel Craig aura été incontestablement celui qui aura fait évoluer l’image de l’agent 007 de manière radicale, quand les propriétaires des droits ont décrété que désormais la saga Bond devait se rapprocher des Jason Bourne et autres Ethan Hunt (saga Mission Impossible), héros davantage axés sur l’action. Fini le charme suave et distingué de Roger Moore et Pierce Brosnan ou celui plus mufle et viril de Sean Connery. Bonjour avec Daniel Craig à un agent de sa majesté départi de son légendaire sens de l’humour et de son irréfragable attrait pour la gent féminine qui était l’un des atouts largement promu avant la sortie de chaque film. Place à un 007 bodybuildé, aux traits burinés, plus introspectif et même souvent romantique, étant visiblement l’homme d’une seule femme (Eva Green, Léa Seydoux). Mâle en voie de déconstruction, symbole d’un changement d’époque intégré dès « Casino Royale » en 2006 et complètement achevé quinze ans plus tard dans « Mourir peut attendre » qui ne s’inspirant pas d’un roman de Ian Fleming, créateur du personnage, tout comme les trois autres segments précédents, peut accueillir toutes les nouvelles tendances de notre époque progressiste à laquelle désormais il convient de s’ouvrir sans rechigner. Sous la plume de Neal Purvis et de Robert Wade qui officient aux scénarios depuis « Le monde ne suffit pas » (1999), cet ultime épisode avec un Daniel Craig âgé de 53 ans est sans aucun doute destiné à préparer le spectateur à ce qui va suivre. James Bond mâle blanc de plus de 50 ans a pris sa retraite et il n'est rappelé en service que pour constater que le fameux matricule 007 a changé de locataire en la personne de Nomi (Lashana Lynch), jeune femme de couleur un peu inexpérimentée dont les charmes ne seront jamais mis en avant. Q (Ben Whishaw) est bien présent, aussi fluide dans ses explications des nouvelles trouvailles que dans son allure juvénile de jeune geek de son temps. Durant cette dernière aventure, l’agent va aussi goûter amèrement à la paternité (on ne lui aura décidément rien épargné). « Mourir peut attendre », tout le monde est bien sûr d’accord avec cette formule prometteuse mais James Bond lui n’attendra que 163 minutes pour voir cette prophétie contredite. Avec le nombre imposant de cases cochées, on peut estimer que dans l’esprit des producteurs (Barbara Broccoli et Michael G.Wilson) cet épisode a été soigneusement pensé pour préparer l’avènement d’une réelle surprise lors de l’annonce de celui, celle ou cellui qui aura l’immense honneur et la lourde responsabilité d’être le nouvel (le) agent(e) de sa Majesté. Pour ce qui est du déroulement général de l’intrigue rien de très nouveau sous le soleil, James Bond devant encore une fois sauver le monde après un pré-générique désormais long de près de trente minutes. Le méchant est joué par un Rami Malek plutôt à l’aise dans la peau de celui qui a un compte à régler avec l’humanité. Daniel Craig un peu vieilli ne semble visiblement plus trop être concerné ayant sans doute compris que ce qu’il représentait allait être englouti avec lui. Lèa Seydoux dans le rôle de la mère de famille larmoyante semble tout droit sortie d’un mauvais drame français et n’aide pas Craig à finir en beauté, actant la disparition des inoubliables James Bond Girls. Il est vraiment temps de passer à autre chose. Dans la même logique, il serait peut-être plus honnête de trouver un autre patronyme pour la saga. Mais désormais déconstruire semble bien plus jouissif que créer de toute pièce.