La ruse de McMurphy est double, car elle consiste à se faire passer pour quelqu'un de sain auprès de fous, et d'un fou auprès de sains. Condamné pour diverses agressions dont un viol sur une mineure,
il se retrouve à semer la zizanie
, sociopathe qu'il est, auprès de personnes atteintes de troubles mentaux.
La mise en situation peut poser question : est-ce que mettre en scène un individu survolté, jouant la comédie, au sein de personnes vraiment atteintes de handicap, ne revient pas à spectaculariser leurs différences, et à les rendre risibles ? On suppose que ce n'est pas, là, l'intention de Forman ; néanmoins, la manière dont McMurphy agite ses camarades, de la même manière qu'il animerait une colonie de vacances, peut mettre mal à l'aise.
Du reste, le rapport de force entre l'autorité clinique et les patients retranscrit bien l'infantilisation subie.
On voit, lors de la scène du vote, qu'ils ne sont pas habitués à prendre des décisions collectives
; et pour cause, tout est toujours décidé à leur place. Or rien n'indique qu'ils ne sont pas à même de choisir leurs activités.
L'accompagnement psychiatrique prend des airs de prison. Pensant échapper à la privation de liberté, McMurphy se retrouve dans un milieu où sa dissidence est tout aussi réprimée qu'en taule, sinon plus,
puisqu'il finit par être lobotomisé.
L'infirmière en chef, présentée comme une entité castratrice
– encore plus lorsqu'elle menace Billy de raconter ses rapports sexuels à sa mère –
, s'arroge le droit de décider de l'emploi du temps des internés, pour la simple raison que celui-ci aurait été "minutieusement pensé". Autorité écrasante d'une mère sur ses enfants, laquelle les surprotègerait d'un danger inexistant.
McMurphy, dans ce système millimétré,
est un caillou dans la chaussure, une menace libertaire insidieuse, trop à même de faire s'éveiller des individus devenus amorphes non par leur incapacité à agir, mais à penser leur situation dans un ensemble plus grand, à s'affranchir du cadre routinier dans lequel ils sont figés
.
Malgré un scénario recelant de bonnes idées, quelques coquilles gênent : Nicholson, dans le rôle principal, a parfois tendance à virer au cabotinage ; le personnage de Ratched ne constitue pas l'image la plus représentative du vice autoritaire ; et plusieurs scènes récréatives, à l'instar du film, altèrent le rythme et le propos.
On apprécie, toutefois, l'image venant clore le film :
Bromden, personnage interné sans raison apparente, sinon pour le mutisme et la surdité simulés, et qui, à l'image des amérindiens exécutés avec cruauté, s'est retrouvé, contre son gré, dans l'engrenage pernicieux d'un système oppressif légalisé, retrouve sa liberté.