Totalement passé au travers de l’attention du public après un accueil très mitigé par la critique, "The search" est un film totalement méconnu. Et pourtant, Michel Hazanavicius a tenu compte des remarques les plus récurrentes de la part de la presse concernant les nombreuses longueurs en raccourcissant son film d’une vingtaine de minutes pour le présenter en salles. Et il nous reste aujourd’hui quand même plus de 2 heures de spectacle. Enfin quand je dis spectacle, c’est une façon de parler. Parce que franchement, l’interdiction faite à l’encontre des moins de 12 ans n’est pas volée. C’est violent, le langage est largement fleuri du côté des soldats, et pas mal d’images choc parsèment le long métrage. Et ça commence par cette séquence de type amateur tournée avec un caméscope, cette même séquence qui d’entrée prend à la gorge le spectateur pour ne plus le lâcher et le faire flipper quant à ce qui va suivre dans l’immédiat. Remake du film "Les anges marqués" de Fred Zinnemann (1948), Hazanavicius a tout réécrit pour en changer le contexte tout en parlant de ce qu’a pu endurer sa famille lors de la Seconde Guerre Mondiale et tout en s’appliquant à faire quelque chose de différent. Ainsi pour ceux qui connaissent le long métrage de Zinnermann, je suppose qu’ils n’auront pas ou peu de sensation de déjà-vu. Pour les autres, c’est à se demander pourquoi Hazanavicius a implanté le contexte au sein de la seconde guerre de Tchétchénie, soit en 1999. Est-ce pour dénoncer au passage les exactions commises par l’armée russe ? Nous savons bien que les russes n’ont pas été toujours irréprochables, qu’ils n’ont pas toujours fait une guerre propre (comme tous les autres d’ailleurs…). Il n’y a qu’à aller voir par exemple du côté de "Les innocentes" d’Anne Fontaine (2015), bien qu’on n’y voie pas les soldats russes à l’œuvre. Mais dans "The search", est-il possible que ça aille aussi loin que ça ? Attendez, là, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Pire, c’est tout un système qui est fait pour broyer des gens pour en faire des machines à tuer. Et c’est tellement énorme que ça en parait exagéré, totalement cliché. C’est à regretter que Hazanavicius n’ait pas gardé les témoignages tels qu’il les a recueillis (il les a réécrits et fait jouer par de véritables comédiens, très crédibles soit dit en passant). Après, on doit reconnaître l’implication des acteurs, à commencer par Maxim Emelianov dans la peau de Kolia (ce jeune enrôlé contre son gré) puisqu’il est allé jusqu’à recevoir de vrais coups… pour que ça fasse plus vrai ! Cependant Hazanavicius s’impose ici comme un maître tisseur, en entremêlant quatre destins tous liés entre eux. Pour ma part, c’est l’aspect le plus technique le plus intéressant du film, si je passe outre de la très belle photographie, de la maîtrise de l’éclairage en dépit des conditions météorologiques, et du fait que le film se passe quasi intégralement sans musique. Ce qui est remarquable aussi, c’est la façon dont le réalisateur a réussi à boucler sa boucle sans qu’on ne la voit venir. Mais là n’est pas la plus grande attraction de ce film. En ce qui concerne mon plus vif intérêt, c’est l’interprétation de ce jeune Abdul Khalim Mamutsiev qui représente l’atout majeur de ce film. Le conseil d’aller voir sa performance m’a été donné par une tierce personne, et il est vrai que ça vaut le détour. Nous avons beau avoir des comédiens aguerris tels que Bérénice Béjo et Annette Bening, le jeune garçon éclabousse tout le monde de son jeu d’acteur, lequel se résume à de la seule et unique expression scénique. On parvient même à douter qu’il puisse parler un jour, cependant je ne peux en dire plus afin de ne pas trop en dire. Alors est-ce qu’il finit par parler ou pas, je vous laisse le découvrir. Mais qu’est-ce qu’il fait passer comme choses, rien que dans son regard, ses postures !! C’est hallucinant !!! Le spectateur n’a d’yeux que pour lui, et il est tellement bon dans ce rôle, qu’on trouve presque Bérénice Béjo mauvaise (ce n’est pas le cas, hein), que les dures scènes avec Maxim Emelianov ne sont là que pour nous rappeler que nous sommes en pleine guerre de Tchétchénie, guerre à laquelle Helen (Annette Bening) essaie tant bien que mal de palier à son petit niveau (si j’ose dire en vue du travail de titan à accomplir). Ecoutez, c’est simple : dans le regard perdu de ce petit garçon, il y a de la peur bien sûr ; mais aussi du remords, voire de la culpabilité ; de la tristesse, et même du désespoir ; un brin de fatalisme aussi, ou une certaine résignation. Et malgré tout cela, il parvient toujours (ou presque) à faire les meilleurs choix. Tout du moins les plus raisonnables. Enfin c’est très difficile à décrire. Le fait est qu’il a trouvé le ton juste de son jeu, et je crois qu’on peut féliciter celui ou celle ou ceux qui l’ont dirigé, conseillé, sûrement patients comme jamais. Car quoiqu’on en dise, il n’est pas facile de faire travailler un gamin de cet âge. Et on se prend à espérer pour lui. A espérer qu’il retrouve les siens. Mais on ne voit pas comment. Ça nous semble même impossible. Alors on espère que sa rencontre avec Carole (Bérénice Bejo) va fructifier, bien qu’elle semble dans l’impasse. Alors ? Happy end, ou pas happy end ? A vous de concrétiser cette "recherche", ou pas.